1963
Titre original : Tengoku to jigoku
Titre francophone : Le paradis et l'enfer
alias : Entre le ciel et l'enfer
alias : High and low
Cinéaste: Akira Kurosawa
Comédiens: Kyôko Kagawa - Tatsuya Nakadai - Toshirô Mifune - Tatsuya Mihashi
Notice Imdb
Vu en dvd
Vu en octobre 2008:
Très belle composition de maître Kurosawa. Composition parait être le mot le plus adéquat pour évoquer le cinéma du monsieur. C'est ce qui m'a sauté à la rétine. Tout de suite. On est saisi par les mouvements des personnages dans le cadre, mouvement perpétuel, chorégraphies étranges qui rappellent les mouvements d'infanterie ou de cavalerie dans Kagemusha et Ran (excusez je n'ai vu que trop peu de Kurosawa). Ces mouvements, uniquement dans l'horizontal si mes souvenirs sont bons, sautent d'autant plus aux yeux que la caméra balaie le champ de vision simultanément de gauche à droite ou inversement, soit accompagnant le mouvement des personnages, soit en s'en éloignant. Pourtant la caméra n'en finit pas de les englober. Peu ou pas de rejet à ma connaissance. Elle ne lâche pas l'action. C'est évident, cela surprend un peu au départ mais très vite l'on s'habitue puis l'on y prend goût. Non pas que l'on se sente emporté par une sorte de valse suave et agréable. Au contraire, ces mouvements continus assurent une tension permanente. L'angoisse de la disparition comme le suspense propre à l'enquête sont enchaînés par ce balancement de la caméra. Les personnages restent ballottés par l'oscillation. Ça fonctionne.
J'étais très curieux de voir un Kurosawa contemporain, sans costumes ni samouraï. Un polar kurosawesque? Très intrigant. Et je ne fus pas déçu.
Sans aller jusqu'à la maîtrise hitchcokienne du suspense, celui de Kurosawa se défend bien, pas seulement sur la forme comme je l'ai indiqué plus haut mais aussi grâce à une bonne intrigue. Les vicissitudes par lesquelles les protagonistes passent rappellent celles que connaissent Stewart et Day dans L'homme qui en savait trop (l'enlèvement du marmot et la monstrueuse angoisse consécutive qui pèsent sur les parents).
S'il ne s'agissait que de cela, un kidnapping, le film pourrait être un efficace divertissement. Mais Kurosawa ne s'en contente pas. Il nous gratifie sur ce prétexte criminel d'une critique assez violente du libéralisme économique, de la recherche fondamentalement cruelle du profit, coûte que coûte. Le cinéaste ne dépeint pas pour autant un simpliste portrait de l'humanité. Les monstres aussi bien en enfer qu'au paradis. La critique sociale n'est pas du tout basée sur un concept de lutte des classes. C'est beaucoup plus subtil que cela.
Il est encore question d'honneur. L'âpreté au gain, la vénalité, l'argent comme arme de guerre sociale, semblent corroder les relations humaines.
***SPOILER:
Le bras droit de Gondo n'hésite pas à abandonner son patron dès lors qu'il se sent obligé de payer la rançon et de perdre sa fortune et ses chances de prendre en main la compagnie. Sa fidélité a ses limites. Au niveau du porte-monnaie. Dans le même temps, les policiers, unanimes témoins de cette déchéance morale vont mettre un point d'honneur à retrouver le gamin et l'argent pour honorer le geste sacrificiel de Gondo.
*** fin du SPOILER
L'intrigue permet dans la tourmente de souligner les rapports de fidélité entre les hommes, leur solidité. C'est donc à un film hautement moraliste que Kurosawa nous fait prendre part. Et beaucoup plus touffu, profond que je le pense encore sans doute. Il me faudra en siroter les autres couches plus tard.
Est-il nécessaire de le dire? Le film regorge de plans qui sont tout bonnement sublimes. A ce propos, la scène de la rue des junkies, si elle est un brin grandiloquente dans la gestuelle, n'en est pas moins incroyablement belle. On pense presque aux morts vivants de Romero. La photo est sublime. Grand merci à Criterion pour son édition qui magnifie ces peintures métalliques du suspense. Les lunettes réfléchissantes du tueur deviennent des yeux globuleux, des billes d'acier, un Terminator avant l'heure.
Net et sans grande bavure.
Le début est peut-être un peu long à mettre en place les éléments de la représentation. La scène de la ruelle junkie frôle peut-être le ridicule, elle y échappe essentiellement par la beauté des images comme je le disais.
Cinéaste: Akira Kurosawa
Comédiens: Kyôko Kagawa - Tatsuya Nakadai - Toshirô Mifune - Tatsuya Mihashi
Notice Imdb
Vu en dvd
Vu en octobre 2008:
Très belle composition de maître Kurosawa. Composition parait être le mot le plus adéquat pour évoquer le cinéma du monsieur. C'est ce qui m'a sauté à la rétine. Tout de suite. On est saisi par les mouvements des personnages dans le cadre, mouvement perpétuel, chorégraphies étranges qui rappellent les mouvements d'infanterie ou de cavalerie dans Kagemusha et Ran (excusez je n'ai vu que trop peu de Kurosawa). Ces mouvements, uniquement dans l'horizontal si mes souvenirs sont bons, sautent d'autant plus aux yeux que la caméra balaie le champ de vision simultanément de gauche à droite ou inversement, soit accompagnant le mouvement des personnages, soit en s'en éloignant. Pourtant la caméra n'en finit pas de les englober. Peu ou pas de rejet à ma connaissance. Elle ne lâche pas l'action. C'est évident, cela surprend un peu au départ mais très vite l'on s'habitue puis l'on y prend goût. Non pas que l'on se sente emporté par une sorte de valse suave et agréable. Au contraire, ces mouvements continus assurent une tension permanente. L'angoisse de la disparition comme le suspense propre à l'enquête sont enchaînés par ce balancement de la caméra. Les personnages restent ballottés par l'oscillation. Ça fonctionne.
J'étais très curieux de voir un Kurosawa contemporain, sans costumes ni samouraï. Un polar kurosawesque? Très intrigant. Et je ne fus pas déçu.
Sans aller jusqu'à la maîtrise hitchcokienne du suspense, celui de Kurosawa se défend bien, pas seulement sur la forme comme je l'ai indiqué plus haut mais aussi grâce à une bonne intrigue. Les vicissitudes par lesquelles les protagonistes passent rappellent celles que connaissent Stewart et Day dans L'homme qui en savait trop (l'enlèvement du marmot et la monstrueuse angoisse consécutive qui pèsent sur les parents).
S'il ne s'agissait que de cela, un kidnapping, le film pourrait être un efficace divertissement. Mais Kurosawa ne s'en contente pas. Il nous gratifie sur ce prétexte criminel d'une critique assez violente du libéralisme économique, de la recherche fondamentalement cruelle du profit, coûte que coûte. Le cinéaste ne dépeint pas pour autant un simpliste portrait de l'humanité. Les monstres aussi bien en enfer qu'au paradis. La critique sociale n'est pas du tout basée sur un concept de lutte des classes. C'est beaucoup plus subtil que cela.
Il est encore question d'honneur. L'âpreté au gain, la vénalité, l'argent comme arme de guerre sociale, semblent corroder les relations humaines.
***SPOILER:
Le bras droit de Gondo n'hésite pas à abandonner son patron dès lors qu'il se sent obligé de payer la rançon et de perdre sa fortune et ses chances de prendre en main la compagnie. Sa fidélité a ses limites. Au niveau du porte-monnaie. Dans le même temps, les policiers, unanimes témoins de cette déchéance morale vont mettre un point d'honneur à retrouver le gamin et l'argent pour honorer le geste sacrificiel de Gondo.
*** fin du SPOILER
L'intrigue permet dans la tourmente de souligner les rapports de fidélité entre les hommes, leur solidité. C'est donc à un film hautement moraliste que Kurosawa nous fait prendre part. Et beaucoup plus touffu, profond que je le pense encore sans doute. Il me faudra en siroter les autres couches plus tard.
Est-il nécessaire de le dire? Le film regorge de plans qui sont tout bonnement sublimes. A ce propos, la scène de la rue des junkies, si elle est un brin grandiloquente dans la gestuelle, n'en est pas moins incroyablement belle. On pense presque aux morts vivants de Romero. La photo est sublime. Grand merci à Criterion pour son édition qui magnifie ces peintures métalliques du suspense. Les lunettes réfléchissantes du tueur deviennent des yeux globuleux, des billes d'acier, un Terminator avant l'heure.
Net et sans grande bavure.
Le début est peut-être un peu long à mettre en place les éléments de la représentation. La scène de la ruelle junkie frôle peut-être le ridicule, elle y échappe essentiellement par la beauté des images comme je le disais.
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