lundi 15 novembre 2010

Rambo



1982

alias : Rambo: First Blood
alias : Rambo: Le dévastateur

Cinéaste: Ted Kotcheff
Comédiens: Sylvester Stallone -Richard Crenna - Brian Dennehy - Bill McKinney

Notice Imdb

Vu en dvd



Quelle efficacité! Celui-là aussi je ne l'avais pas vu depuis longtemps. Décidément, je suis en pleine période revoyure! Et j'avais oublié le très bel équilibre du film, sa belle structure, l'écriture terriblement efficace. Il s'agit d'un film de viande et pour un film de ce type, le langage est on ne peut mieux maîtrisé. Un film de viande, c'est un film où le corps est à l'avant. Il est à la base de toute l'histoire. John J. Rambo est un soldat traumatisé par le fait que son camarade de guerre déchiqueté par une bombe s'est retrouvé éparpillé façon puzzle sur lui. Il ne peut se défaire de ces images de morceaux de copain tous collés partout sur lui, c'est vrai que c'est désagréable. Alors les tripes qui sortent, les jambes qui ont disparu, ça peut vous tournebouler un gars. Bref, il a des circonstances atténuantes. Vu ce qu'il va faire dans le film, faut lui trouver de quoi le rendre au moins pas trop antipathique, n'est-ce pas? Mettons lui également dans les pattes quelque flicard un brin roitelet et abusif et hop, l'affaire est faite!

Un film de viande se voit aussi au fait que la caméra ne lâche pas Rambo et n'omet rien de ce corps d'homme viril, ses cicatrices en sortes de tatouages ou médailles qui vous posent son militaire plus que des galons, le sang qui coule, l'atelier couture en forêt, l'homme des cavernes fait son petit travail sans trop broncher, je crois que j'aurais dit au moins un "aïe" personnellement, le sang coule, le cuissot de sanglier en grillade, les tuméfactions des faciès cassés par la furie de Rambo, etc.

Univers sans femme, ni sexe, où le corps de Rambo est dévolu à d'autres fonctions, il se confond avec la machine. Outil façonné par l'ordre et l'armée, le sens de son existence ne réside plus que dans la guerre, la hiérarchie de la violence et de la force. Aussi, son retour du Vietnam est-il marqué par l'échec et l'exclusion, d'autant plus que cette guerre est perdue. Quand on perd l'habitude, ça vous fouette une fierté nationale. Les héros sont morts. Parce qu'en plus, le film investit le champ politique, maladroitement, de manière très primaire ou "républicaine" en se parant du discours prétexte "ahhhh, si on m'avait aidé!" permettant d'éluder toute vision pragmatique défavorable aux États-Unis et qui déclinerait toutes les mauvaises raisons de s'y être engagé.

Le monde binaire des gentils et des méchants que Rambo a emmené dans ses bagages pour justifier son sacrifice au Vietnam dans sa petite tête s'est écroulé à son retour.
La guerre construit des malades avec les plus faibles des survivants. Ici, face à la moindre bassesse, à la première épine violemment plantée dans son derrière par un redneck encore plus obstrué que lui, Rambo-la-machine se remet en marche. Au quart de tour, il ronronne. L'homme disparaît car la douleur est trop vive, la violence trop douillette. Écorché et orgueilleux.

Kotcheff montre parfaitement cela, cette étincelle qui rallume la flamme avec une maîtrise des temps idéale : d'abord, on entre en douceur dans le film, le tempo est calme. Le shérif débarque en hypocrite mielleux mais condescendant et commence peu à peu à imprégner le récit d'une petite dose de fiel. La sérénité est bien malmenée dans le poste de police dès que les flics abusent de leur pouvoir et tout d'un coup, un éclair de souvenir aussi vif, éclatant qu'une lame de rasoir et le film bascule sur un rythme trépidant d'une grande violence. Rambo devient une furie. Explosion d'images, course et accélération. J'ai vraiment aimé ce changement de braquet. Par la suite, temps morts et actions sont efficacement respectés. La mécanique Rambo est bien huilée.

En revoyant le film, je mesurais avec une certaine admiration pour le phénomène et peut-être aussi, avouons le, une part de nostalgie, combien ce film avait été marquant. Et on le comprend aisément. Je me souviens de la fascination qu'un film aussi original à l'époque produisit. On en parlait avec avidité avant même de le découvrir. L'affiche topless sortait de l'ordinaire. Une boule de nerfs qui explose et exorcise toutes les frustrations contre la violence de la société elle même, contre l'échec, le mensonge, l'exclusion. Bref, un film qui parle à l'adolescent mâle, surtout avec cette figure de masculinité, ce corps maltraité qui traverse les épreuves (celui d'un ado en connait pas mal également) tout cicatrisé, toute plaie béante, attendant la sécheresse du temps, suscitant la crainte et l'envie tout à la fois.

Le film testostéroné, le film adolescent par excellence traversera sans nul doute les générations. Celle qui l'a connu à sa sortie, si tant est qu'elle soit américaine, pouvait également se trouver en parfaite adéquation avec le discours politique réactionnaire que le film distille doucement et que le final du deuxième volet hurlera de façon encore plus grossière (Ronald Reagan est président en 1980).

Évidemment, ce discours ne me touche pas. A peine fait-il naitre une petite risette narquoise sur ma face de franchouillard pépère dans son canapé. Par contre, le film représente un très bel objet pour uniquement ce qu'il est : un film d'action. Bien écrit, bien filmé, bien monté, il est en outre presque bien joué. En effet, je suis plutôt déçu (je n'ai -il est vrai- pas misé beaucoup sur le bonhomme) par la prestation de Richard Crenna que j'ai trouvé très monolithique et dont la diction m'a paru affreusement sur-jouée.

Au contraire, Brian Dennehy fait une belle impression. Il m'a donné envie de revoir Cocoon (autre héritage des années 80).

Sylvester Stallone est un acteur limité, certes, mais dans son registre, il excelle tout limité soit-il. Je n'aurais jamais pour lui l'espèce de dédain qu'un Steven Seagal ou Jean-Claude Van Damme pourrait susciter en moi. Stallone force le respect.

Sa carrière est parlante. Au-delà du muscle, on sent le comédien qui fait des efforts. Ce ne sera pas le cas pour d'autres de ses films, alors ne boudons pas notre plaisir. L'acteur va s'embourgeoiser. Ici il est encore plein de fougue et de naturel dans son jeu. Appréciable.

En fait, à bien y réfléchir, dans le genre du film d'action, ce "First blood" est un chef d'œuvre. En tout cas, un classique.

Trombi:
Jack Starrett:

David Caruso:

Bill McKinney:

Chris Mulkey:

1 commentaire:

  1. Assurément l'un des grands titres (et carton de l'année qui fit mourir Hergé, calanché le jour de la sortie France !) de 83, ce thriller/survival conscientisé malmenant la mauvaise conscience américaine (le béret vert d'élite auto-recouseur fait en effet office d'ange exterminateur livrant une guerre morale à une Amérique ingrate fuyant lâchement ses responsabilités) sera bien évidemment trahi (par son auteur même, alouetté au miroir reaganien) puisque passant du statut d'ambigu anti-héros à celui d'authentique et mâle représentant d'un Oncle Sam tragiquement triomphant. Mais avant cette sortie de route, était un film remarquable, intense, à la réalisation ample (quels décors !) et d'une rare efficacité, faisant se rencontrer le Carpenter d'Assaut et le Boorman de Delivrance, et établissant surtout un autre héros nihiliste, fait de la même tripe qu'un Max Rockatansky (qui virera fou, dit la légende, et renoncera au nihilisme pour une ennuyeuse parabole de la renaissance (Rambo, dans son 4ème opus, ne visant, après la boucherie cathartique, que l'humble rédemption, son générique de fin faisant boucle avec celui du début du présent film)).
    Stallone y est proprement épatant (le film n'aurait pu être sans lui, co-scénariste par ailleurs, tant il incarne le rôle), soutenu par un Brian Dennehy aux petits oignons en shérif salopardissime, tandis que derrière s'agitent quelques seconds couteaux (pas de chasse au cerf, eux !) corrects, fussent-ils rouquemoutes comme le jeune débutant David Caruso, loin des expertes scènes de crimes de Miami, ou pré-vérolé comme cette foutue gueule de Chris Mulkey, finalement plus vue en téloche qu'au ciné (malgré son sympathiquement avoriazien Hidden). La caution morale et psycho confiée à Richard Crenna est un poil préchi-précha, faite de trop de punchlines paternalistes, mais permet que soit entendu par les plus bourrins de spectateurs le vrai moteur philosophique de cet actionner racé, massif, nerveux, sauvage... remarquable.

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