mercredi 11 mars 2015

Vestale



1787

Vestale

Sculpteur: Jean-Antoine Houdon

Notice Musée du Louvre


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Je crois que je suis un fanatique de Jean-Antoine Houdon, un magicien de la pierre, à cheval entre le XVIIIe et le XIXe. Cette vestale est une belle illustration de sa capacité à exprimer la grâce avec une très belle simplicité. Devant cette vestale, on est ému, forcément. D'abord, elle est grande, belle. Elle en impose. La majeure partie de son corps est recouvert de grandes étoffes.

S'il y a un élément en sculpture qui peut m'arrêter, qui me fascine, c'est bien le travail sur les drapés. Et dans ce domaine, le monsieur Houdon sait régaler ! Ici, ça vous pète au visage: la main d'Houdon exécute une œuvre incroyable! Du sommet du crâne jusqu'au sol, une double ou triple couche de tissu couvre la jeune femme presque intégralement. Les mains, les bras nous sont invisibles. Seuls une partie du cou, de son visage et le bout des pieds apparaissent. Aussi est-on saisi par l'enchevêtrement, les courbes, les plis de ces draps, les ombres qui s'installent, tellement bien mises en valeur par le violent contraste du marbre blanc éclatant. Quelle majesté alors!

Évidemment, le sujet s'y prête : la prêtresse veillant à maintenir la flamme de Vesta devait être vierge. La pureté des lignes, l'immaculé du marbre sont en parfaite adéquation avec cette virginité.

Plus je la regarde et plus je suis abasourdi par la beauté toute naturelle, sa finesse, sa délicatesse et dans le même temps par la puissance déterminée qui se dégage de cette grande statue, de ce regard sûr, blanc, doux mais solide. De même, la posture n'est pas sans force. Il y a là de la stabilité, de l'assurance, celles de la foi, je suppose. Aucun doute. La jeune vestale est attachée à sa fonction, son sacerdoce sans l'ombre d'un doute.
Après, peut-être voudra-t-on imaginer dans son œil l'absence de bonheur, d'épanouissement, mais à vrai dire, je ne suis pas bien sûr de ça. Je ne vois nul conflit intérieur. S'apprête-t-elle à sourire même ? Rêve-t-elle ? Sans doute est-elle en train d'attendre, tout simplement ?

Ce drapé est à tomber! Je ne m'en remets pas. On est presque certain que, s'il y avait un courant d'air au Louvre, on verrait ce tissu frémir. On a envie de souffler dessus.

Faites le tour de cette beauté et regardez son profil. Voyez le dessin du nez, la coiffe que fait le voile! Que c'est beau! Je ne comprends pas comment un homme a pu faire une chose pareille. Je ne connais pratiquement rien de l'histoire de la sculpture. De loin, comme ça, au débotté, j'ai l'impression qu'en dehors des lointains antiques, des maîtres de la Renaissance, la sculpture aurait voix au chapitre depuis Rodin. Impression, disais-je, qui est probablement éloignée de la réalité.

Cependant, elle reste là dans un coin de ma tête et je me demande si Houdon n'est pas trop académique, et si, justement, cet académisme n'exerce pas sur moi un certain attrait. Parce que néophyte, l'accès à la culture, à la sensation physique d'être avec une statue est sans doute facilité par cette forme de classicisme.

Mais si tout cela est juste, cela ne suffit pas. Il y en a tellement d'autres, pourquoi les sourires de Madame Houdon ou de Voltaire ont-ils cette emprise sur moi? Je ne me rappelle pas avoir vu chez Houdon une faute de goût, un excès. Alors que chez certains confrères à la même époque, parfois on peut se dire que ce geste ou cette pose est un peu trop statique ou grossière.

Cette vestale comme tant d'autres ouvrages de Houdon me tétanise et j'en suis heureux. De la statue qui fait rêver. Oui, il y a bien un charme, un secret de magicien chez Houdon, un fragile équilibre entre nature, mouvement et beauté des volumes. Il n'en finit plus d'exercer sa puissance créatrice, il surprend, il reste toujours aérien. Merci, monsieur.

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