mercredi 20 octobre 2010

Manhattan



1979

Cinéaste: Woody Allen
Comédiens: Woody Allen - Diane Keaton - Mariel Hemingway - Meryl Streep

Notice Imdb

Vu en dvd


Diantre, foutre dieu, que le perce-oreille crapahute la coccinelle! Cela faisait une éternité que je n'avais vu un aussi vieux Woody Allen! Et celui-là en plus, la dernière fois que je l'avais vu, c'était sur un 4/3 cathodique que passait une VHS pourrie recadrée. Alors l'idée de revoir ce que d'aucuns considèrent comme une prière maîtresse du cinéaste sur un grand LCD avait quelque chose de caressant.

Bizarrement, mon enthousiasme n'est pas été aussi fanfaron que je l'imaginais. J'espérais un plaisir plus vif. Le grand frisson et le sourire béât d'aise. Souvent au cour du visionnage, j'ai pensé à toutes ces scènes vues et archivues dans "Annie Hall", "Meurtre mystérieux à Manhattan", "Hannah et ses sœurs", ces tirades-discussions où Allen échange saillies et réflexions avec des femmes qui se ressemblent toutes en fin de compte. Et puis New-yorkaises surtout. Toujours la même Amérique, une bourgeoisie qu'on affuble du terme "Bohème" à Paris, cet archétype social de nantis préoccupés par des petits problèmes existentiels de plus ou moins riches intellectuels de pays développés.

Une sorte de lassitude m'a pris par moments pendant le film, heureusement matée par la profondeur des réflexions des personnages sur l'amour, la fidélité, ces affres d'égocentriques, ces peurs de vivre seul, ces angoisses de mort qu'une grande et belle ville, toujours fourmillante parait atténuer.

Le brouhaha et l'agitation permanents, la palpitation de la ville servent pour certains de pansements, d'environnement compensatoire (quelle vilaine expression!). Quoiqu'il en soit, je crois qu'il faut regarder les choses en face : Woody Allen me parle d'autant plus que je dois être (malgré tous mes efforts et ma volonté de désespéré) un "bobo" moi même. Ces petits tracas nombrilistes, ces petites peurs d'occidentaux entre 30 et 40 ans font partie des questionnements qui s'invitent parfois dans ma caboche et mon petit cœur histoire de les tarauder avec cruauté. S'il fallait une preuve de ce que j'avance, ce long préambule, ces élucubrations sur ma petite personne en sont une illustration parfaite. Revenons donc à Manhattan et oublions mes états d'âme.

Disons donc que le film est susceptible d'éveiller en vous ce genre de masturbation du cervelet. Woody Allen fait un cinéma introspectif qui laisse difficilement indifférent, il suscite la réflexion. C'est déjà un point sensible qui dénote une certaine habileté à transformer un récit particulier, des personnages distincts et des recherches égocentriques en des moteurs de réflexions accessibles à un grand nombre de personnes, d'une portée universelle en somme.

La malin pourrait facilement livrer une œuvre fort tout aussi profonde par le biais d'une étude de mœurs ou de longues discussions certes édifiantes mais vite emmerdantes. Or, Allen pare son discours de jolis atours que ce soit sur le plan formel avec un énorme travail sur la photographie mais également sur le cadre. Quant à sa tonalité d'ensemble, elle s'aventure sur un style dont il est définitivement l'un des plus savants artistes, l'humour.
Entre beauté des images et saveur des dialogues.

Le film ne peut pas être ennuyeux une seule seconde. Moi qui suis si friand et attentif au travail des chefs-opérateurs, je dois avouer que j'ai souvent pris un sacré panard avec l'incroyable ouvrage de Gordon Willis que ce soit sur les intérieurs ou les extérieurs. Les jeux d'ombres et lumières partagent l'espace entre les individus, les mots s'incrustant dans un lieu approprié à l'intérieur de l'image.

Je pense également à cette intelligente faculté à utiliser toute ta capacité du cinémascope. Là encore quand l'histoire d'amour entre Allen et Keaton commence à péricliter le cinémascope les sépare d'ores et déjà, l'un confiné sur la gauche, l'autre isolée sur la droite, chacun son plan et chacun son espace dans le cadre.


La grande ville ne cesse d'accoler des gens séparés qui croient être réunis. Leurs égocentrismes réciproques s'entrechoquent, les séparent aussi sûrement que l'abondance de la ville leur donne l'illusion d'être ensemble. Les personnages ne vivent finalement que pour eux-mêmes et la satisfaction de leurs désirs. Les atermoiements de Woody Allen apparaissent dès lors plus comme des caprices infantiles. Le plus vieux n'est pas le plus sage. La petite Hemingway du haut de ses 17 printemps peut être à la fois la plus pure dans son attachement

et la plus pragmatique à la fin du film. Cet écart vaut bien un dernier sourire de Woody Allen.

Cependant le regard posé sur ces personnages n'est jamais empreint d'une quelconque condescendance, ni même n'exprime un jugement de valeur. Ils sont maladroits, un peu gourds. Leurs discours d'être cultivés ne leur servent pas vraiment à grandir mais bien plutôt à cacher leurs lacunes. A ce propos, le scénario ne se moque jamais. Il en ressort beaucoup d'humanité. Loin d'être insupportables, ces gesticulations sont drôles et touchantes.

Trombi:
Diane Keaton:

Mariel Hemingway:

Michael Murphy:

Meryl Streep:

Anne Byrne Hoffman:

Karen Ludwig:

Wallace Shawn:



               

1 commentaire:

  1. On ne vous parlera pas de Pierre Bouteiller (pour le Quotidien de Paris), Robert Benayoun (au Point) et quelques autres, renversés d'aise sur le dos... On ne vous ressortira pas les légendes hypocondriaques du tournage ou celles, fameuses, de l'après (oh puis si, même si on ne vous apprend rien là: Woody promettant à United Artists de leur faire un film gratos contre le renoncement à distribuer la triste chose qu'il venait de tourner en N&B et Gershwin), ni ne rappellerons aux fans de Friends que les déboires de Ross avec son ex-femme (révélée lesbienne) sont directement inspirés de ceux d'Isaac et Jill (Meryl Streep)... pas plus que nous ne vous communiquerons véritablement notre rapport personnel au film, ayant un mal de chien à le verbaliser ! Petite culpabilité bourgeoise (le film est parfait « pour les cadres intellectuels » lâchait encore Manchette), autosatisfaite paresse cinéphile (ah ! la petite musique allenienne, deuxième manière, à l'occasion de laquelle on se rengorge (to puff oneself up) à chaque référence saisie !) et sincère, vibrant, ravissement plastique (la prodigieuse photo contrastée de Gordon Willis !, son cadre et le montage de Susan Morse: tout concorde au ravissement post-moderno-urbain) sont évidemment inégalement dosés dans le cocktail de notre approbation entendue et largement partagée (certains faisant tourner la tête plus que d'autres, à l'instar de cette célébrissime ouverture)...
    Manhattan est un film qu'on aime (c'est d'ailleurs légitime et justifié) mais avec lequel cependant il serait impossible de se définir vraiment, sincèrement (d'autres Allen le permettant en revanche à mon sens (Crimes & Délits ?)). Comme High Noon est, tel que le prétend Vincent d'Inisfree, le western de ceusses qui n'aiment pas vraiment le western, sans doute Manhattan s'avère être le film préféré de ceux qui ne bittent ni ne goûtent que peu au cinoche au fond (j'ose cette hardie équation en en ayant eu la tiède illustration, fut un temps, dans mon entourage...). Et pourtant c'est un diablement bon film, non ?


    (note complète avec extraits de critiques de JP Manchette, ici:
    http://eightdayzaweek.blogspot.com/2008/06/quel-film-avons-nous-vu-ce-jour_05.html)

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