Quand le reptile se fait des pellicules, des toiles, des pages et des dessins... Blog sur l'image et la représentation en général. (cliquez sur les captures pour obtenir leur taille originale)
vendredi 18 février 2011
La mort aux trousses
1959
Titre original : North by Northwest
alias : La mort aux trousses
Cinéaste: Alfred Hitchcock
Comédiens: Cary Grant - Eva Marie Saint - James Mason - Martin Landau
Notice Imdb
Vu en blu-ray
"La mort aux trousses" est un film merveilleux, avec plein d'étoiles pour mes yeux. Un de mes films préférés. Il s'avère souvent difficile de bien exprimer ce que l'on ressent pour un film aussi important de son panthéon mais je pourrais résumer en évoquant sa séduction : je suis tombé amoureux d'un beau film, hâbleur, élégant, bien gaulé et drôle.
Gardons-nous de faire accroire que toute cette beauté sophistiquée émane uniquement de Cary Grant. Certes, des qualificatifs énumérés, beaucoup se marient justement au bonhomme, mais le film a bien d'autres jolies courbes à faire valoir à mes yeux gourmands.
Mais restons sur Cary Grant et la distribution qui l'entoure : ils forment une équipe superbement performante. Ce n'est guère étonnant, Alfred Hitchcock ayant toujours su choisir ses comédiens avec soin. Cary Grant fait partie de ses acteurs favoris. Au moment d'aborder le tournage de "La mort aux trousses", il en sont déjà à 3 films ensemble. C'est un comédien particulier, capable de jouer le séducteur tout en faisant le clown, ce qu'il ne manque pas de faire ici. Aidé d'un physique dégingandé, sa stature lui donne des airs un peu gauches, charmants. En 1959, il a 55 ans et une incroyable carrière derrière lui. On sent d'ailleurs que sa filmographie et son expérience notamment dans la "screw-ball comedy" où l'assise des dialogues percutants confère aux acteurs une rapidité comique doublée d'une réjouissante assurance, lui permettent d'alterner les registres comiques, romantiques et aventureux avec une facilité plus que déconcertante. Je parlais de merveilleux tout à l'heure, en voilà un sacré exemple. Ce comédien est admirable de naturel tout en parvenant à conserver un œil rieur et espiègle très enfantin. Débordant de jeunesse, je ne crois pas que les gros plans plus ou moins floutés ou le haut degré de bronzage aient été vraiment nécessaires pour cacher son âge relativement élevé.
A ses côtés, Eva Marie Saint
élabore un jeu plus direct, extrêmement féminin, de cette féminité qu'Hitchcock savait mieux que quiconque glorifier l'image, des poses un peu rigides en apparence, presque froides en parfait contraste avec des personnalités "calientes". La blonde glaciale cachant sous sa coiffure travaillée et ses tailleurs serrés un tempérament vorace, une sexualité de femme libérée qui fascinait tant sir Alfred. Eve Kendall n'est pas qu'un cœur à prendre.
La discussion au wagon-restaurant entre Roger Thornhill et elle est une des scènes les plus torrides qu'il m'ait été donné de voir. Elle garde cependant une forme extrêmement élégante et policée, sainte nitouche. Le jeu des regards, la délicatesse des gestes nous aspirent la salive, gloups. Toute en sous-entendus salaces, l'érotisme dans son acception la plus stricte, éclabousse l'écran, humecte les mots.
Pour bien construire son héros, le film se devait de lui mettre dans les pattes un méchant aussi classieux. Qui pouvait aussi bien relever ce défi que l'aristocratique James Mason? Avec sa voix mielleuse mais chargée de menaces, envoûtante, il propose un personnage crédible de "séductueur", énamouré capable de la pire vengeance, de la plus extrême froideur à l'heure de balancer sa nénette du haut des cieux.
Tout aussi glacial meurtrier que ne l'est le chef des espions, Leo G. Carroll avec ses lunettes en écailles et son air renfrogné, le comédien joue de son physique banal, un brin pépère, conventionnel, incarnant le papy qu'on imagine gâteau et sait faire preuve d'un tempérament sévère, voire injuste, ce qui a don de renforcer les liens du couple Thornhill/Kendall, tous seuls face au monde hostile, amoureux partout et contre tous.
Le scénario, à l'image des aventures qu'Hitchcock a souvent raconté dans le passé que ce soit sur "The lady vanishes" ou "The 39 steps", mêle la romance au film d'espionnage et développe un récit très dynamique évoluant sur le thème ô combien porteur de mouvements et d'action : le voyage. Le périple que subit Roger O. Thornhill est vieux comme "L'odyssée", il est mythologique. Il est si ancré dans le temps que le film semble se minéraliser peu à peu, dans la poussière jaune d'une campagne sèche et déserte jusqu'aux rochers blanchâtres et escarpés du Mont Rushmore en passant par le marron terreux de la statuette antique contenant les microfilms qui tiennent de McGuffin, ce fameux prétexte à la con dont tout le monde se fout sauf les personnages.
Ce film là est fabuleux parce qu'il tient debout et sautille crânement sur un autel à la gloire de l'Homme dans toute sa complexité, avec son animalité, sa sexualité, sa richesse d'émotions et de sensations. Cary Grant est à la fois Ulysse, Roméo et James Bond, peut-être même pourrait-on l'appeler Adam arrachant Eve au serpent?
Pour finir de m'assoter, Alfred Hitchcock concocte un spectacle visuel épatant. Le travail sur la photographie, les cadrages et les décors est tout simplement exceptionnel. Voir ce film en blu-ray est une expérience inoubliable. Les couleurs éclatent, la beauté des plans renverse. J'ai pris un pied pas possible!
Et puis cette mise en scène! Alfred Hitchcock est un type incroyable, tout bonnement génial : comment peut-on imaginer cette scène d'anthologie sur la route désertique, ce découpage de l'action, dans l'espace et dans le temps? Absolument divine, cette séquence est en soi une des plus belles scènes de cinéma.
Quand on voit comment Eva Marie Saint et Cary Grant se tournent autour, basculent, chavirent, se tenant plus par la tête que par les mains, bien mises en évidence pourtant, amoureux poings liés, dans cette autre scène admirable, dans une sorte de prélude tactile où ils se préparent à l'amour, l'émoi qui les bouleverse invite à parler, se dévorer du regard et des lèvres, tournoyer sans cesse, au rythme de la chamade qui les envahit, dans une danse enivrée qu'Hitchcock a déjà filmée dans "Notorious".
Dans des décors de matte-painting ou construits en studio, sur un somptueux Technicolor, les personnages courent de péril en péril, tenant les spectateurs en haleine. Le fameux suspense d'Hitchcock n'aboutit peut-être pas aux sommets que le maître a atteint par ailleurs, cependant l'altitude est très élevée.
La musique de Bernard Hermann, au style facilement identifiable, apporte en soutien plein d'originalité et de saveur à l'entreprise. Hermann est un de ces compositeurs dont les œuvres se suffisent à elles-mêmes. Vous pouvez écouter du Bernard Hermann indépendamment des films qu'il a mis en musique, néanmoins la bande qu'il propose ici se marie d'une manière très appropriée à l'histoire, ses enjeux, ses rebondissements et surtout les émotions par lesquelles les héros passent.
Voilà pourquoi je tombe à chaque visionnage en pâmoison, ravi, kidnappé, enfant nappé dans un coulis de bonbons à la fraise, enfant happé par un spectacle grandiose et profond. "La mort aux trousses", tu permets que je t'appelle "La mort"? "La mort", je t'aime.
Trombi:
Philip Ober:
Robert Ellenstein et Adam Williams:
Jessie Royce Landis , Edward Platt, Stanley Adams et Edward Binns:
Martin Landau:
Ken Lynch et Patrick McVey:
Tol Avery et Paul Genge:
John Beradino:
Doreen Lang:
Josephine Hutchinson (à gauche):
Madge Kennedy:
Alfred Hitchcock:
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Bien résumé, pour passer un moment de bonheur : regarder "North By Northwest", voilà, c'est simple.
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