Quand le reptile se fait des pellicules, des toiles, des pages et des dessins... Blog sur l'image et la représentation en général. (cliquez sur les captures pour obtenir leur taille originale)
jeudi 14 avril 2011
Carrie au bal du diable
1976
alias : Carrie au bal du diable
Cinéaste: Brian De Palma
Comédiens: John Travolta - Amy Irving - Sissy Spacek - Piper Laurie
Notice Imdb
Vu en dvd
Il y a sur ce film un phénomène à la fois comique et instructif que je m'empresse de vous narrer et qui par certains aspects illustre peut-être parfaitement les paradoxes et les débats que suscite le cinéma de Brian De Palma. Ma femme a adoré et moi aussi. Mais on n'a pas vu le même film. Elle a pleuré, j'ai ri. Peut-on faire lectures aussi éloignées d'un même objet? Cocasse, non? Et ce n'est pas sans distiller un certain charme à ce que propose De Palma, me semble-t-il. Par conséquent, il ne faut jamais oublier que ce que je vais bafouiller ici n'est qu'une estimation personnelle, uniquement ça.
Ce que j'ai beaucoup aimé dans ce film réside dans son caractère hautement jubilatoire. J'ai la très nette impression que De Palma s'est emparé du sujet de Stephen King avec l'intention de s'amuser. Mais cela ne signifie pas pour autant qu'il se fout de la gueule des personnages et encore moins du spectateur.
Après le visionnage, j'ai le souvenir d'avoir répété à plusieurs reprises le terme "grotesque" ce qui a eu le don de faire bondir ma chère et tendre. Je voudrais vraiment faire comprendre l'acception dans laquelle je plaçais ce vocable. Ce n'était en aucun cas dans un sens péjoratif mais plutôt quelque chose proche de la farce, un grossissement ludique, un peu moins forcé qu'une caricature, une bonne blague, une pochade entre bons camarades. Jack Sullivan évoquait le "baroque" de la mise en scène, terme sur lequel je poserais volontiers une idée de gravité qui me semble particulièrement étrangère à ce film-là.
Les allusions, les clins d’œil cinématographiques sont légion et appuient ce sentiment d'un rendez-vous amoureux, cinéphile à un spectacle où le divertissement est le premier objectif à atteindre. Et puis surtout, l'espèce d'outrance paroxystique, de climax pétaradant, rougeoyant d'un feu vif et d'un flot de sang dégoulinant que le final nous réserve en cascade (mention spéciale à l'orgasme létal de miss Laurie) corrobore cette sensation de pop-corn visuel.
J'ai bien entendu très souvent pensé à Hitchcock tant les plans typiques du maître foisonnent et par voie de conséquence à "Body double" et "Blow out", à Dargento et Bava aussi avec toutes ses couleurs vives, mais également sur la fin à "Creepshow" où déjà l'esprit ricanant de Stephen King s'étale joyeux et persifleur.
Sans doute que le pouvoir télékinésique de Carrie peut se rapprocher de l'esprit frappeur et farceur que De Palma veut utiliser pour entamer une étude presque sociologique de la jeunesse étudiante américaine, en complet décalage avec cette part d'Amérique qu'incarne la monstrueuse Piper Laurie,
la religieuse, la sectaire, effrayée par le monde et ses modernités, horrifiée par le désir et le sexe.
La pauvre Carrie est victime d'abord de l'ostracisme tout aussi apeuré de certaines de ses camarades de classe puis du poids ancestral d'une religion qui associe la femme et sa sexualité à la culpabilité, au péché originel et donc à tous les malheurs du monde. Cette confrontation de la pseudo modernité et du fanatisme borné permet au film de raconter l'histoire de l'humain quand il sort de sa chrysalide. Carrie découvre ses menstruations et finit par crucifier sa mère.
Symbolisme forcené, convocations d'images religieuses, traits grossis à la loupe, grotesque des situations, mise en scène découpant le cadre ou ballet de marionnettes : le grand-guignol qu'agite De Palma dépeint un monde bien réel, néanmoins complètement fou, très américain, une véritable tristesse, une pauvreté, des souffrances qui n'ont rien de grotesque. C'est bel et bien la mise en scène qui l'est, à bon escient car le spectacle est formidablement coloré, d'un excès festif, inventif et d'une précision scénaristique tellement ébouriffante!
Ce que je retiens avant tout en effet, c'est cette écriture si bien maitrisée qui donne une lecture agréable, d'une fluidité incroyable, en somme d'une logique imparable! Voilà, ce mot est le plus propre à décrire tout ce que je ressens devant ce film : l'imparable, l'impossibilité d'échapper au récit, à sa logique, à sa maestria, ce qu'on retrouve souvent également chez Hitchcock.
Je ne vais pas faire la revue des acteurs car aucun ne rate le coche. Tous sans exception sont en parfaite harmonie avec l'équilibre du film, sa respiration. C'est vrai, ça, on trouve toujours quelqu'un qui ne nous a pas plu autant que les autres, habituellement, mais pas ici, sur ce point aussi le film dégage quelque chose d'irréel, une sorte de magie qui fait un bel effet.
Ah et puis je commence à trouver de plus en plus élégant et divertissant le procédé du split-screen afin d'obtenir une image nette sur toutes les profondeurs. Même s'il est un peu trop apparent sur les images vives du stade, cela reste quand même un truc assez plaisant.
Mon périple d'exploration au cœur du cinéma de Brian De Palma est toujours un voyage de plaisance tellement plein de joie et de jouissance visuelle. J'adore.
Trombi:
Sissy Spacek:
Amy Irving:
William Katt:
Betty Buckley:
Nancy Allen:
John Travolta:
P.J. Soles:
Priscilla Pointer:
Sydney Lassick:
Stefan Gierasch:
Edie McClurg:
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Je me souviens avoir été horrifié devant ce film, il me faudrait le revoir.
RépondreSupprimerAh? Comment ça "horrifié"? De l'effroi, du dégoût?
RépondreSupprimerEn pleine identification avec Carrie, jeune femme qui veut sortir de son univers étouffant. Adhésion totale au film.
RépondreSupprimerJe précise qu'à l'époque je n'avais pas mes règles, je ne les ai toujours pas aujourd'hui d'ailleurs...