Quand le reptile se fait des pellicules, des toiles, des pages et des dessins... Blog sur l'image et la représentation en général. (cliquez sur les captures pour obtenir leur taille originale)
mercredi 13 avril 2011
Les vicissitudes de la vie, I Naruse
1937
Titre original : Kafuku zempen
Titre anglophone : Learn from Experience, Part I
Titre francophone : Les vicissitudes de la vie, I
Cinéaste: Mikio Naruse
Comédiens: Minoru Takada - Takako Irie - Yumeko Aizome - Chieko Takehisa
Notice Imdb
Vu en dvd
Ce n'est qu'à la toute fin du générique que je me suis rendu compte qu'il s'agit d'un premier opus d'un diptyque. J'espère que je trouverai le second. Rien n'est moins sûr. Je l'espère parce que j'ai bien aimé les interrogations auxquelles Mikio Naruse nous invite.
Dans ce Japon de l'entre-deux, entre deux époques, entre deux guerres, deux cultures, deux influences, entre la tradition terrienne, ancestrale et la modernité venue de l'Occident de moins en moins lointain, de jeunes gens essaient de s'adapter tant bien que mal à ces nouvelles exigences malgré le poids de la famille, de la tradition et d'un passé encore trop présent.
Un jeune couple veut se marier mais le père du type est ruiné et compte sur un mariage arrangé de son fils pour sauver la situation financière de la famille. La première partie du film montre tout le poids que cette pratique pouvait faire peser sur l'individu quand la cellule familiale portait si bien son nom en aliénant les individus, voire en les niant. Naruse filme son héros la tête baissée, et hanté par le fracas retentissant des reproches paternels face à son refus. Un fils se doit d'honorer sa famille et la faire passer avant son propre intérêt, sa liberté. Envisager le choix est déjà le reniement de la famille.
A ce moment-là du film après que le père eut menacé de se faire seppuku, je suis étonné que Naruse, cinéaste de la femme japonaise, ses joies, ses affres et douleurs, ait choisi de faire porter ce joug à un homme. Ce n'est que dans la seconde partie que cette option prend tout son sens naruséen. En effet, alors qu'il est aux prises à une réflexion introspective chaotique le bonhomme tombe de manière fortuite sur celle que son père veut le voir épouser. La riche héritière fait du cheval dans la campagne et le gars tombe illico amoureux! Pendant ce temps des plans de coupe montrent celle à qui il a promis de tenir bon, préparant le mariage de sa meilleure amie à Tokyo et s'interrogeant sur le sien.
Il y a notamment une scène dans un magasin de mode où elles se demandent si elle est du genre à faire son mariage en costume occidental ou traditionnel. La réflexion sur ce thème accompagne les personnages tout le long du film bien évidemment, en toile de fond de ce drame sur le mariage arrangé, tradition difficilement conciliable avec le mariage d'amour, considéré comme plus moderne et dans lequel l'individu s'épanouit. Ils sont jeunes et passent d'un costume à l'autre, écoutent de la musique française, dansent sur la musique occidentale, etc.
Quoiqu'il en soit, à cet instant, on a d'ores et déjà compris que la petiote va morfler grave. Le gars est tellement falot qu'il déclare sa nouvelle flamme à sa future tout en lui disant qu'il ne peut pas l'épouser parce qu'il a déjà promis le mariage à une autre mais l'on sait qu'il n'en pense pas un mot, qu'il attend juste qu'elle l'encourage, ce qu'elle fait. La modernité est à ce prix.
Bref, ce trou du cul louvoie, tortille. Certes, les éléments le poussant dans les bras de cette donzelle s'amoncellent : l'insistance familiale, la nécessité sacrificielle en quelque sorte et voilà que la jeune femme est superbe, belle comme un cœur, souriante et moderne.
M'enfin, on ne peut s'empêcher de penser que les sentiments qui le liaient à la désormais "ex" n'étaient pas aussi profonds qu'il voulait le laisser croire. D'ailleurs, c'est ce genre de remontrances que la meilleure amie va lui balancer à la tronche lorsqu'elle le chope dansant aux bras de l'autre dans un bar. Parce qu'en plus, ce couard n'a même pas eu les coucougnettes d'aller voir son "ex" pour lui annoncer la mauvaise nouvelle.
Par conséquent, cette deuxième partie du film renverse le positionnement des personnages et l'on retrouve donc l'habituelle attention portée par Mikio Naruse à cette femme japonaise qui finit seule, comme souvent, et trouve dans la douleur de l'abandon et la solitude les moyens d'acquérir une force, un courage et une indépendance qu'elle ne soupçonnait pas recéler. Cette difficulté d'être une femme face à l'adversité, ici la lâcheté d'un homme ainsi que le poids d'une société traditionaliste, est donc une problématique que Naruse étudie avec soin de film en film, à l'instar d'un peintre qui se focalise sur les natures mortes ou les couchers de soleil, sauf que Naruse veut faire vivre ses personnages au delà de leur problème. C'est la raison pour laquelle cette fin douloureuse, interrompant de manière brutale le fil du récit m'a laissé quelque peu frustré. Il faut que je trouve la seconde partie!
Trombi:
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