Quand le reptile se fait des pellicules, des toiles, des pages et des dessins... Blog sur l'image et la représentation en général.
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Heureux temps où la grande bourgeoise offrait
une concession de pétrole à son mari avec l'argent de ce dernier! Quel
drôle de truc que ce film quand on le voit de nos jours! Tiré d'une
pièce de théâtre de Jean Girault et Jacques Vilfrid, le scénario
parvient mal à camoufler l'origine boulevardière d'un film qui repose
essentiellement sur la mécanique entre les personnages et donc sur le
talent des comédiens à faire vivre un texte... disons simple, pour être
gentil. En effet, comment ce film pourrait-il résister au temps s'il ne
comptait dans ses rangs l'apport comique de Louis de Funès?
Certes, il abandonne à Jacqueline Maillan quelques simagrées joyeuses
dont la comédienne a fait son fonds de comique tout le long de sa belle
carrière. Mais ce qui au théâtre peut être réellement comique perd en
dynamisme et en sel sous la caméra tranquille de Girault.
Certes encore, il faut admettre que la présence frondeuse de la jeune Mireille Darc constitue un atout charme incontournable. D'ailleurs la
caméra ne se prive guère d'approcher au plus près les délicates courbes
de la belle. Certes enfin, le film est sans doute le point d'orgue de la carrière
d'un acteur pas suffisamment connu, ici très à son aise dans un rôle de
Cary Grant français. Philippe Nicaud a effectivement quelque chose du
comédien britannique... vu de loin, ça peut le faire. On a abusé de
cette image dandiesque du comédien, lui le premier, mais pour une fois,
il faut avouer qu'elle se marie parfaitement dans ce film à son
personnage : plein de répartie, la voix douce, séducteur, l’œil
impertinent, le ton vif, etc. On remarquera également que la mécanique
comique des dialogues ne devant souffrir d'aucun défaut est en grande
partie maintenue à un très bon niveau grâce à cet acteur, très net, à la
diction chronométrée. Il est très bien, ils sont tous très bien, mais Louis de Funès, pas
encore la star installée qu'il sera plus tard, aspire dans ce film toute
l'attention, prenant déjà la majeure partie des responsabilités,
dirait-on aujourd'hui. On pourrait peut-être souligner deux ou trois
grimaces superflues, ici ou là, mais dans l'ensemble il parvient à
distiller ce qu'il faut de vérité, pleine de vitalité à un personnage
très caricatural, un patron pète-sec, comme il s'ingéniera à le
perfectionner dans ses rôles futurs.
Comme le casting est plutôt court, j'aimerais avant d'en terminer avec
cette revue d'effectif saluer le flegme de plus en plus las de Christian Marin qui tient là un de ses rôles les plus marquants dans sa
filmographie. Maria-Rosa Rodriguez quant à elle, dans son rôle de Palma
Diamantino ne fera pas d'ombre à la lumineuse Mireille Darc malgré tous
ses efforts. De même on a connu Roger Dumasautrement plus saillant. Il
investit un personnage un peu fat, le pauvre, difficile d'en donner plus
dans ces conditions.
Ils sont donc trois ou quatre à faire de ce film une petite boule
d'excitation gentillette, sans autre valeur que celle d'avoir fait rire
une France disparue depuis belle lurette. Cela en devient un objet de
curiosité propre à son époque, qui en dit long sur cet âge d'or de
l'économie occidentale. Aujourd'hui, les plus vieux y voient des raisons
de nostalgie, les plus jeunes un document d'histoire sur ces mentalités
dépassées : quand on avait un majordome, qu'on faisait "la cour" aux
demoiselles, qu'on prenait un drink en jouant au bridge, qu'on tirait au
ball-trap avant le déjeuner et qu'on interdisait aux femmes l'accès à
la corbeille de la bourse.
Bon petit film, sans grande prétention, qui permet à Louis de Funès de
passer un autre palier dans son ascension vers les sommets du box-office
européen. Reste du trombi: Daniel Ceccaldi et Philippe Dumat: Guy Tréjan: Yves Barsacq:
Je sens que je vais avoir plus de mal avec ce
film de Federico Fellini à exprimer tout ce que j'ai pu ressentir à son
visionnage. A bien des égards je suis un peu resté sur une sorte de
défensive continue. Cela faisait si longtemps que je ne l'avais vu, une
20aine d'années, que je n'avais en mémoire que le final, barnum de plage
pétaradant et spectaculaire. Bien que dans la plupart de ses films
Fellini introduit constamment une part onirique qui fait beaucoup du
charme de sa poésie cinématographique, j'ai le sentiment que ce film-là
la développe davantage qu'à l'accoutumée. Et cette séance a sans doute
été un peu trop consacrée à démêler le vrai du faux, ce qui m'a quelque
peu déconcerté. Cependant, je sens bien que cet onirisme, ce langage frappant entre les
préoccupations de Guido (Marcello Mastroianni) et une traduction rêvée,
des fantasmes plus ou moins cauchermardesques et une imagination
créative, foisonnante, constitue l'essence même du film, peut-être même
le chant d'amour de vie du cinéaste, en tout cas une analyse superbe
d’auto-dérision, d'intelligence et surtout d'honnêteté d'un artiste sur
son propre parcours, en tant que créateur comme en tant qu'homme avec
toute les implications complexes qui le lient aux femmes notamment, et
plus largement à la société, politique, économique et religieuse en
premier lieu. Je le vois bien et je suis persuadé que cette première lecture (celle
d'il y a 20 ans ne compte plus) est sans nul doute un étape de franchie,
nécessaire pour suçoter la substantifique moelle de cette œuvre
richissime lors d'un prochain visionnage. Un peu trop sur la retenue, je
n'ai pas manqué toutefois de remarquer tous ces éléments d'histoire
personnelle illustrant la complexité d'un métier, mangée par celle d'un
homme plein de désirs et d'amour, d'ambition, un simple homme confronté
aux aléas de son existence. Je n'ai pas loupé non plus la délicieuse
geste de tous les personnages qui se bousculent, avec leurs espaces
propres, leurs histoires, leurs peines, leurs espoirs, leurs déceptions,
leurs attentes surtout qui pèsent de temps en temps sur les épaules de
Guido (dont le prénom est à ce sujet tout un discours) : lourdes sont
les responsabilités que l'attention des autres lui fait porter.
Les comédiens sont pour la plupart excellents. Anouk Aimée par exemple
m'étonne dans un rôle qu'on lui a rarement vue endosser, celui d'une
femme jalouse, en colère, douée d'une certaine force, celle de la
révolte, de la passion. Marcello Mastroianni? Foutre dieu, celui-là, on
ne s'étonne plus : son charme né d'une assurance dans le jeu sans
faille, la félinité de son corps, de ses attitudes, son visage de clown,
l'agilité avec laquelle il passe d'une tonalité à l'autre font qu'il me
ferait douter de mon hétérosexualité. Un des plus grands acteurs de
tous les temps, impossible à oublier et à ne pas aimer, à moins d'avoir
une drôle d'idée sur ce qu'est un jeu de comédien. Il est tellement
juste, naturel, c'est affolant d'équilibre et de netteté.
J'ai vu ce film il y a maintenant près d'une semaine et j'ai déjà hâte
de le revoir pour l'apprécier à sa juste valeur, sans avoir à m'arrêter
sur telle ou telle scène en me demandant s'il rêve, imagine ou s'il fait
face à une réalité désagréable. Je n'aurais plus alors qu'à laisser
aller devant mes yeux ce mouvement perpétuel auquel Fellini semble
destiner sa caméra. Le dynamisme de ce cinéma, ces plans qui n'en
finissent pas de bouger, associés à la photographie de Gianni Di Venanzo tellement succulente que le dvd Criterion restitue avec une toujours
aussi incroyable fidélité sont un appel à voir et revoir. La générosité tactile, physique de ce cinéma suggère une italianité
qu'on croirait presque contrefaite, car tellement proche des stéréotypes
et des pseudos effets que l'on voudrait voir comme une caractéristique
du cinéma italien, qu'à la fin tout cela finit par paraitre comme une
grosse blague, un pied de nez grotesque à une pensée ridicule. Mais
comme on retrouve de film en film cette même agitation, ces mêmes gens
qui ne cessent de débouler devant et de s'interpeller bruyamment,
d'exprimer tout haut et tout fort ce qu'ils ressentent les uns pour les
autres, ces mêmes personnages vont et viennent devant la caméra la
faisant danser jusqu'à nous étourdir... on est bien tenté de croire que
le cliché n'est pas aussi factice, comme si Fellini avait tellement
d'emprise sur le regard même que l'on porte à sa manière de filmer qu'il
s'est établi par conséquent comme la référence du cinéma italien, on a
fini par s'imaginer que le cinéma italien est d'abord fellinien. Encore
un cliché qui en nourrit d'autres. Il ne vient pas de nulle part ce mouvement, bordel? Est-ce que je ne
serais pas en train de tomber dans ce piège facile, cette banale erreur
dont le creux confine à l’abime dès lors que le manque de connaissance
sur un artiste ou un "cinéma" (genre ou national) joue les maitres
piégeurs? Fort probable. Espérons qu'un jour, à force de voir de vieux
films italiens, je pourrai mieux ranger mes impressions, dans les bons
emplacements, sur les bonnes étagères de l'histoire du cinéma italien...
en attendant, permettez tout de même que je m'interroge, quitte à baver
des conneries, je ne fais de mal à personne. Trombi: Claudia Cardinale: Sandra Milo: Barbara Steele: Rossella Como, Elisabetta Catalano et Rossella Falk:
et Madeleine Lebeau: Caterina Boratto: Eddra Gale: Guido Alberti: Jean Rougeul: Mario Pisu: Yvonne Casadei (droite): Mark Herron: Eugene Walter et Gilda Dahlberg: Ian Dallas: Giuditta Rissone: Annibale Ninchi: