Quand le reptile se fait des pellicules, des toiles, des pages et des dessins... Blog sur l'image et la représentation en général. (cliquez sur les captures pour obtenir leur taille originale)
lundi 31 octobre 2016
Quand la chair succombe
1962
Titre original: Senilità
Titre francophone débile : Quand la chair succombe
Cinéaste: Mauro Bolognini
Comédiens: Anthony Franciosa - Claudia Cardinale - Betsy Blair
Notice SC
Notice Imdb
Vu en salle
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Après avoir vu au cinemed “Les amoureux” et “Les garçons”, des films que l’on peut qualifier de lumineux, du moins au niveau photographique, me voilà devant un film beaucoup plus sombre de Mauro Bolognini.
D’abord la copie est très abîmée, les sous-titres anciens blancs se délitent et surtout l’histoire se déroule dans une atmosphère très éloignée de la Rome ensoleillée. Nous sommes à Trieste, sous la pluie et le vent, dans une Italie du Nord qui encore relativement récemment était autrichienne.
J’ai eu beaucoup plus de mal avec ce film qu’avec les deux précédemment cités. Pas pour des raisons météorologiques bien entendu, mais bien plutôt à cause du personnage central, plus précisément de sa trajectoire affective qui m’a fatigué. Je supporte peu les héros qui s’apitoient ainsi sur leur sort. Or, c’est toute la thématique du film : un homme (Anthony Franciosa)
plutôt conservateur tombe amoureux d’une jeune femme (Claudia Cardinale)
qu’il s’imagine angélique, mais qui se révèle être très libérée, à la limite d’être une pute même. Ce qui pose problème, je trouve. Ce manque de clarté à ce sujet provoque une ambiguïté malsaine, qui sous-entend qu’une femme libérée est plus ou moins une pute. Cicéron nous tape sur l’épaule et nous susurre “O tempora, o mores”. Certes, il convient de garder en tête le contexte de l’époque, néanmoins le regard porté sur cette jeune femme et la relation qu’elle noue avec le héros semble un brin condescendant d’abord, puis finalement misogyne.
Mais c’est le regard adopté par le héros lui même. Cela fait partie de cette orientation majeure que prend le film en dépeignant cette déchéance morale à laquelle il se livre. Un homme coincé dans une morale qui le décentre de la réalité. Il n‘est pas foutu de voir en cette femme ce qu’elle est vraiment et en construit une image erronée. Quand il se rend compte de son propre fourvoiement, il est déjà trop tard, il est passionnément amoureux et n‘est plus capable de se raisonner. Affectivement, il est aliéné à ces sentiments et ce fantasme modelé au départ, incapable de s’en défaire. Trop immature, il ne peut rompre avec cet idéal.
Il n’est pas plus capable de considérer sa sœur (Betsy Blair)
comme une femme. Il la maintient sous sa coupe, la sur-protégeant ; il lui interdit de flirter avec son meilleur ami Stefano (Philippe Leroy). Par conséquent, il la tue à petit feu. La frustration naît de cette cohabitation dysfonctionnelle. L’austérité, la froideur, la stricte architecture de Trieste en hiver sont des parures très évocatrices du carcan dans lequel vivent cet homme et sa sœur.
Ce qui est formidable dans ce film reste la capacité de Mauro Bolognini et de ses deux co-scénaristes à ne pas non plus faire peser sur le personnage un jugement trop moral. Bien sûr, le récit plein de justesse maintient un certain équilibre entre les faits et l’opinion que l’on peut s’en faire. Il n’élude pas la part de responsabilité morale du héros, mais ne la fustige pas non plus. Le film montre l’évolution auto-destructrice d’un homme qui croit bien faire, pris à son propre piège.
Malheureusement, à titre personnel, j’ai peine à entrer en empathie pour ce genre de personnage. Il m’irrite même. Et sa déchéance ne réussit pas non plus à me toucher plus que ça. J’ai bien aimé l’idée d’ensemble, ainsi que la toute fin de cette fable, cependant les détails du voyage m’ont paru par moments bien longuets, difficiles à endurer. Je comprends toutefois ceux qui accrochent à ce genre de drame moral. Il y a un aspect “romantique noir” très puissant qui peut plaire.
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