dimanche 1 juin 2014

Her



2014

Cinéaste: Spike Jonze
Comédiens: Joaquin PhoenixScarlett JohanssonAmy Adams - Olivia Wilde

Notice SC
Notice Imdb

Vu en salle



Indéniablement, "Her" est un joli film. Je comprends tout à fait l'enthousiasme débordant de la critique. Adorable, cependant il faut accepter un postulat compliqué pour moi, celui de ne pas lier les sentiments, l'affect au corps, à la matière. Je ne suis parvenu à sauter cet obstacle qu'au fruit d'un dur labeur et et ce n'est qu'à la toute fin que j'ai pu laisser de côté cet aspect-là. Peut-être qu'avec une seconde lecture, avec une immersion complète et immédiate, je serais plus volontiers à même d'apprécier totalement cette proposition?

Quoi qu'il en soit de ce point (certes crucial) du scénario, le film est de toute manière très intéressant. Au moins intellectuellement. Il ouvre de très attirantes discussions sur la nature même des sentiments, le sens de l'humain, sans avoir à convoquer la divinité, ce qui laisse entendre qu'on n'en est plus là, que la réflexion philosophique a dépassé celle de la théologie, ce qui pour un agnostique comme moi est toujours agréable ou du moins, reposant.

Ces réflexions sur l'humanité, la définition de l'amour, sont dues à l'amélioration constante et toujours impressionnante des nouvelles technologies. Elles n'en finissent plus d'être nouvelles, progression exponentielle qui effraie autant qu'elle fait espérer. Mais, d'aucuns diront à juste titre que le film est avant tout un film sur l'amour davantage qu'une question philosophique. Même si j'ai mis beaucoup de temps à intégrer l'histoire de ce personnage en raison de l'irréalité de l'OS, il est évident que l'impossibilité de cet amour entre un homme et une intelligence, voire une conscience, artificielle, ce fait inconcevable peut toucher, profondément, émouvoir en raison même de cet écueil. Il faut juste savoir au préalable qu'une forte dose de matérialisme nuit gravement à l'adhésion.

Du point de vue formel, la conception du film est si soigneuse que le monde décrit, un monde dans un avenir très proche, mondialisé, hyper technologique, est presque crédible. "Presque" parce que dépolitisé, sans inégalité apparente, sans conflit. Tout est lisse, légitimement, afin de se focaliser sur l'histoire d'amour et de répondre à la question de sa définition même.

Les décors comme les vêtements semblent baignés dans une lumière un peu éteinte. La photo aligne quelques jolis effets numériques. Les couleurs pastel, délicates atténuent l'excès des grandes passions. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'on est dans un monde policé et clinique où les sentiments sont étouffés, non, loin de là !

Je crois plutôt que Spike Jonze a voulu montrer la progression du sentiment amoureux, sans verser dans le pathos. On a là toute l'évolution naturelle, de l'émergence de l'idylle jusqu'à la rupture, elle aussi progressive, aussi pensée que ressentie. Et tout cela est heureux : au fur et à mesure que l'histoire se délitait, je craignais qu'on tombât dans la violence, dans la démonstration hystérique de la souffrance, habituelle dans les comédies romantiques où l'éconduit chouine pour mieux rebondir au final. Ici, on n'est absolument pas sur ce canevas traditionnel où les sentiments exacerbés sont censés porter le récit. Le film se porte dans le calme, tout seul comme un grand et d'ailleurs cette relative apathie n'est qu'apparente. Le fracas a bel et bien lieu, mais il est intérieur. La vaisselle n'est pas brisée, les vêtements ne sont pas déchirés, les couleurs ne sont pas plus vives, c'est dans le cœur et la tête que tout se bouscule. L'esthétique un peu froide du film est donc un à mon sens parfaitement justifiée pour tenir le scénario.

Un petit mot sur les deux comédiens avant de clore le sujet me paraît important. Joaquin Phoenix se révèle très bon. Ce n'est pas une surprise. On est donc une nouvelle fois heureux de voir un comédien évoluer avec autant de facilité de simplicité.

Le choix de Scarlett Johansson est sans doute la meilleure idée du film. Sa voix un peu éraillée est follement sensuelle. Difficile d'oublier sa plastique généreuse en l'entendant, mais je suis sûr que sans la connaître, la couleur et la forme de sa voix auraient été tout aussi efficaces. Je suis tout sauf un acteur, et c'est peut-être ce qui fait que j'adore ce travail : je m'imagine mal la difficulté de jouer une conscience d'ordinateur. Elle m'a épaté.

Pour les deux comédiens principaux, pour la mise en scène efficace, pour un scénario très propre mais compliqué, enfin pour l'exubérante capacité de cette histoire à produire de la pensée et peut-être de l'émotion, je recommande ce joli film, serein et intelligent.

Mini trombi:
Amy Adams:

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