jeudi 13 juin 2013

Mud sur les rives du Mississippi


2012

Titre original : Mud
Alias : Mud, sur les rives du Mississippi

Cinéaste: Jeff Nichols
Comédiens: Matthew McConaughey - Tye Sheridan - Reese Witherspoon

Notice SC
Notice Imdb

Vu en salle




Je ne connaissais pas Jeff Nichols. Des bruits positifs couraient sur ce film. Et j'ai vu effectivement un bon film, très simple a priori, surtout très ancré dans son environnement, dans les lieux pleinement investis du Sud américain. C'est pourquoi il apparait très naturaliste, très roots, végétal aussi bien qu'animal, aussi aquatique qu' aérien. Une bonne bouffée d'oxygène.

La simplicité provient sûrement de cette initiation à laquelle on assiste. Ellis (Tye Sheridan) apprend la vie, à l'heure où les hormones l'éveillent aux ébullitions de l'âme et du corps (ça veut dire l'adolescence, mais j'aime bien faire du verbiage de temps en temps, désolé). Bref, à la mode Mark Twain (on est obligé de songer à Tom Sawyer et Huckleberry Finn), il monte les marches de l'âge adulte à grands pas, au bord de la rivière, dans la forêt, aux lisières d'une ville qu'on sent honnie par le jeune homme, en tout cas redoutée car sans le suc du vrai, sans le parfum apaisant de la nature qui ne triche pas. Sans doute que ces considérations seront ressenties pour les plus urbains comme des petites piques absurdes ou arriérées. Peu importe, elles sont les siennes.

Ces rejets sont d'autant plus vifs chez lui qu'il est en train de voir combien les hommes et les femmes passent leur temps à cacher le vrai dans l'ombre et l'artifice. Ses parents se déchirent. Et lui, dans l'absolutisme de sa jeunesse, reste épris même de l'idée du tout, que l'amour est chose pure. Simple. Bien évidemment, l'humain est plus compliqué qu'un bosquet ou un rat musqué. Ellis l'apprend durement.

Mais attention, nulle grossièreté de personnage! Personne n'est ici caricaturé, tous sont compliqués, bourrés d'incohérences. Peut-être ce dernier mot est-il un peu fort? Disons qu'ils sont capables de prendre des orientations contraires, qu'ils sont en permanence partagés, souvent tangents, sur le fil du rasoir. Leur avenir est incertain. Chacun évolue donc dans un univers plus complexe, dans l'intime comme dans la représentation sociale.

La lecture des personnages n'est pas seulement romantique. Si le récit peut paraitre simple, il n'a absolument rien de simpliste finalement. Cela serait une bête erreur que de croire que le scénario de Jeff Nichols s'échine à faire gesticuler devant nos yeux des stéréotypes sur pattes. Bien au contraire, le film malgré une tenue somme toute classique, malgré un canevas général très académique, calqué sur les histoires d'initiation qu'on a déjà lues ou vues, le film propose donc des chausses-trappes, de l'inattendu, beaucoup de mystère. Une flopée de personnages reste longtemps dans le flou, un peu ambigus.

Pas seulement Mud (Matthew McConaughey), espèce de Joe l'indien, inquiétant, sale, viril, tatoué et boueux, musclé et armé, le regard ailleurs. Peut-être fou? Peut-être mythomane? Peut-être manipulateur? Peut-être tueur? Que de peut-être qui se bousculent! Il est vrai qu'il est central et de fait, retient davantage l'attention. Mais Juniper (Reese Witherspoon) n'est pas moins difficile à cerner. D'ailleurs leur histoire d'amour offre là une très belle illustration de ces amours contrariées, compliquées, tordues mais pas moins sincères et qui renient la linéarité ou la simplicité affichée habituellement au cinéma. Dans le genre mystérieux, Ellis est lui même un peu flottant, on ne sait ce qui le pousse à être ce qu'il est, un gamin peu bavard, le coup de poing facile. On sent bien qu'il est avide des autres et dans le même temps, il met des barrières, reste sauvage, avec ses parents surtout. Le père joué par Ray McKinnon est pas mal non plus dans les indéchiffrables pendant une bonne partie du film.

C'est vraiment bien écrit tout ça. J'ai eu le sentiment de lire un roman bien construit, peut-être pas extraordinaire mais bien équilibré, plus profond qu'il en a l'air. La mise en image n'est pas non plus exceptionnelle, je ne garde pas le souvenir d'un plan ou d'une photo particulière. Forme correcte, sans grandeur.

S'il faut applaudir Nichols, c'est sûrement bien plus pour sa direction d'acteur. Matthew McConaugheyy par exemple n'est pas un comédien qui m'avait jusque là tapé dans l’œil. Ici il est très bien, sans rien qui dépasse. Le jeune Tye Sheridan est évidemment une découverte, excellente découverte. Tous deux sont mystérieux comme il faut, sans fioritures avec une réjouissante crédibilité.

Ce film humide, marron et vert dégage une chaleur que je ne soupçonnais pas. Il propose un grand voyage dans le sud et dans ses âges troubles où les émotions sont si exigeantes qu'elles débordent sans ménagement, sans non plus prévenir. La poésie, le temps qui s'écoule, les amours qui se contrarient, les fidélités, les petits secrets, la violence, les peurs, tous ces chambardements dont nous sommes les témoins sont autant de petites briques qui finissent par échafauder un beau bâtiment, solide, qui vaut le coup d’œil. Très joli film, qui, le temps passant, prend de plus en plus de couenne. Ça sent bon.

Mini trombi:
Sarah Paulson:

Sam Shepard:

 Bonnie Sturdivant:
Michael Shannon:

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire