mardi 6 octobre 2009

Les ailes de l'espérance



1957
Titre original : Battle hymn
Titre francophone : Les ailes de l'espérance

Cinéaste: Douglas Sirk
Comédiens: Rock Hudson - Dan Duryea - Martha Hyer - Anna Kashfi

Notice d'imdb
Vu en dvd



Vu en juin 2008:

Je ne comprends pas.
Je me suis encore une fois fait eu par Sirk.
Comme souvent avec ses films, on commence en se disant qu'on ne peut pas se laisser avoir par de si grosses ficelles. Les clichés, les personnages grossiers... on voit venir Sirk avec ses gros sabots, sa trame déjà vue, digne d'un roman photo.
Le début de Battle hymn n'échappe pas à ce jugement hâtif. Les effets spéciaux à deux cents, la photo de Russell Metty, la disposition du personnage joué par Rock Hudson dans le piège de la culpabilité, le drame intérieur qu'il vit n'a au départ que les aspects démago-émotionnels du sensationnel cheap. Bref, on se dit que cette fois Sirk va trop loin et qu'il ne parviendra pas à ses fins

Et boum, je ne sais comment, le saligaud nous enlève. Rapt délicat, insidieux. Magique, surtout, je ne comprends toujours pas ce qui se passe. Le sujet abordé (un pasteur/pilote d'avion en proie à un sentiment de culpabilité après avoir par accident bombardé un orphelinat) ne m'intéresse pas. La question de savoir si l'on a le droit de tuer pour faire le bien (surtout si l'on est chrétien), thématique qui vient de me paraître presque pénible avec Le révolté d'Oshima, arrive ici à devenir passionnante. Une empathie incroyable avec le personnage de Rock Hudson.

En fait, Sirk charge son film aux clichés et stéréotypes et de là, construit à coup de scènes pleines de poésie et de tendresse une oeuvre profonde, à la subtilité au préalable insoupçonnée, qui éclate merveilleusement.

Le pastel du cinémascope de Metty et ses fameuses chorégraphies des couleurs font mouche. Elles assistent les personnages à trouver en eux, dans leur questionnement mystique, une vérité intime qui touche, c'est inévitable. Profondeur surprise.

Ce Battle hymn n'a pas la portée sociale et effrontée de All that heaven allows ou Imitation of life : il est totalement axé sur la mort. Les personnages sont moralement confrontés à leur acceptation de la mort, celle qu'ils donnent par la guerre. Le meurtre pour le bien. Quelque chose en apparence simpliste mais cependant bien compliqué pour des personnages plus profonds et réels qu'ils n'apparaissaient en premier lieu.

Ce film montre bien encore une fois que Sirk n'est pas là où on l'imagine. Qu'avec les outils émotionnels hollywoodiens de base (mélo, film de guerre, couleurs, action, pleurniches), qui vont chercher aux tripes, il réussit à proposer une réflexion subtile, intelligente et fouillée. Sans crier gare.

On s'est fait eu. Encore une fois.
Douglas "Encore-une-fois" Sirk, cinéaste génial.

6 commentaires:

  1. lire cette critique impitoyable de OZUS (il est américain)

    http://homepages.sover.net/~ozus/battlehymn.htm

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    1. Bof. Impitoyable? A part un jugement expéditif au début et sur la fin, et qui n'est pas vraiment étayé... Quand on dit que c'est un mauvais film, on s'attend à ce qu'il nous raconte pourquoi il est mauvais. A part raconter toute l'histoire... et évoquer les clichés trimbalés. Ce qu n'a pas grande valeur dès lors qu'il s'agit d'un film de Douglas Sirk, cinéaste spécialiste des clichés, qu'il ne peut pas dynamiter s'il ne les convoque pas. Forcément qu'il y a des clichés, puisqu'il compte manipuler le spectateur grâce à ces clichés. Bien entendu qu'il ne les dénonce pas de front, il n'est pas né de la dernière pluie le père Sirk, c'est pas le premier balourd venu, il les prend les clichés, nous les met devant le nez et ne retourne nous et notre vision comme des crêpes.

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    2. je suis contente que vous me répondiez. Je n'adhère jamais qu'à 75 % aux critiques d'Ozus, il a vu et commenté 1500 films depuis 1999 : il a un oeil averti.
      je vois tous les Sirks que je peux me procurer et devant l'admiration qu'il suscite, je me suis dit que quelque chose clochait chez moi : une incapacité de percevoir le 2ème et le 3ème degrés si élégamment fagotés. Je savais avant de voir ces films que Rock Hudson était
      homosexuels, ce qui a naturellement sapé les histoires de coeur, ensuite Jane Wyman
      (si on la compare à Barbara Stanwick ou Bette Davis) est un plat de nouilles tièdes.
      J'ai lu, j'ai beaucoup lu et j'ai commencé à complèter ma collection : j'ai vu sur Youtube des films de la période allemande : La fille des Marais, un mélo buccolique, La Habanera tourné en
      1937 à Ténériffe (avec Zarah Leander) . Comme vous le savez, Sirk a obtenu un visa
      pour Ténériffe d'où il a pu prendre un transat pour l'Amérique avec sa seconde femme juive.
      Je bavarde et me prends du temps : Sirk a vécu, je ne sais plus en quelle année, avec George Sanders qu'il a fait jouer en savoureux Vidock dans "Un Scandale à Paris", à Londres
      il a tourné avec Sanders un polar pas vraiment noir :"Lured" (Des femmes disparaissent).
      Bref, rien n'est dit à ce sujet : mais Sirk avait je crois un amour charnel pour Hudson. Cela ne me gêne pas du tout, mais explique que Les Ailes de l'Espérance ait une certaine mollesse
      (Ozus dit "schmalz : qui est la graisse d'oie) et pas de virilité. "Dean Hess, the killer" : on le
      répète à perte de vue, mais l'homme qu'on voit est une Sister Théresa.

      Je ne sais pas si 30 ans plus tard on est capable de parler MIEUX de la guerre.
      En tous cas, je viens d'insérer FULL METAL JACKET de Kubrick (1987)
      avec cette chanson de Nancy Sinatra qui en dit long sur ce que pense Kubrick.

      These Boots Are Made For Walkin’ (Nancy Sinatra) (and one day they'll be WALKING ALL OVER YOU) : Vous la retrouverez sur Youtube.

      Sur la jaquette du DVD : un casque et ce commentaire BORN TO KILL

      On peut regretter que l'émigrant Sirk n'ait pas osé dénoncer la guerre amércaine comme l'a fait Kubrick et comme l'on fait tant d'autres, avant lui.

      Je reste perplexe à l'égard de Sirk : non, il n'est pas né de la dernière pluie. Il est arrivé en Amériique avec un bagage littéraire américain immense. La Ronde de L'Aube est inspiré de Pylone de William Faulkner. Et dans un entretien que j'ai entendu récemment il cite in extenso un très beau poème de Goethe.

      Vous savez sans doute, pour la petite histoire — j'espère que je ne dis pas de bêtises — que
      Jane Wyman a été la première femme de Ronald Reagan.
      Et dans le même registre : alors qu'Hollywood ne pouvait censurer l'homosexualité de Cary Grant, la poule aux oeufs d'or des studios, on a pour la forme (et la presse people) imposé un petit mariage à Rock Hudson...
      A suivre peut-être.

      Bonne soirée

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  2. les notations d'IMDB valent ce que valent les statistiques, mais BATTLE HYMN fait 6.2 et FULL METAL JACKET (gilet pare balles sans doute) obtient 8.3.

    6 critiques pour le premier, 136 pour le second.
    Ozus dit très bien qu'il ne s'agit pas de la guerre du Vietnam, mais d'un film contre la guerre

    http://homepages.sover.net/~ozus/fullmetaljacket.htm

    Ici l'entrainement (la moitié du film : here you are trained to kill, you will become a minister of death) a lieu à Parris Island, "Les Marines" de Chris Marker — très dur — fut tourné à West Point.

    Ce film de Sirk est bien "schmalzy" (sirupeux) et les états d'âme de Rock Hudson ne sont pas ceux d'un
    homme entraîné à la guerre ("Dean Killer Hess).

    Sirk vous a bien eu ? Moi pas !

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  3. je vous relis une fois de plus pour tenter d'y voir clair et je constate que vos formules ont le pouvoir de faire tomber la neige sur mes yeux.
    Du temps de Bush on faisait la guerre pour faiire le bien, on tuait pour faire le bien. L'ennemi, pour les tyrans, c'est toujours le mal (démagogie saint sulpicienne) . La vérité est beaucoup plus simple: on fait la guerre pour tuer, pour exterminer, pour dominer
    un territoire qui a des richesses que l'on veut s'approprier.

    (Les Allemands n'ont-ils pas fait la guerre à la France parce que nous avions de l'humour dont ils étaient totalement dénués ? Ils ont également perdu cette guerre-là)

    Je reviens à Batle Hymn : Le "questionnement mystique" sous votre plume : n'est pas à sa place ici Rock Hudson dont l'éternel sourire me dérange est issu d'une école de guerre, où
    l'on devient Ministre de la Mort. Or il joue les sisters Thérésa. Ca ne colle pas (diktat des studios, je pense)

    Les orphelins, au nombre de cent, qui deviennent 400 : c'est certes
    émouvant, mais en face du massacre impitoyable qui dure si longtemps, c'est un peu comme l'histoire du sarin en août dernier : elle permettait de passer sous silence les milliers de morts, les parents de ces orphelins pourissant dans les champs ou sous les décombres, les villes dévastées,

    Ozus m'a écrit une longue lettre à propos de LA RONDE DE L AUBE
    (J'ai fait quelques erreurs hier, dans l'urgence de communiquer : Les Sentiers de la Gloire (ironique) et non pas Les Sentiers de la Guerre…

    C'est Robert Stack (non John Stack)
    La Ronde de l'Aube n'est pas un film au discours stratifié (maquillage à la "Nous deux" dissimulant un message subversif : Scorsese range Sirk avec Fuller et Minelli dans la catégorie des "smugglers", contrebandiers, qui introduisent en fraude ce qu'ils ont à dire (dans son film de 4 heures sur le cinéma américain)

    Bref, LA RONDE DE L AUBE est un fllm à voir et à revoir.

    Mais s'il vous plait, ne croyez pas vous être fait avoir, quand on ne vous a pas eu.

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    1. "je vous relis une fois de plus pour tenter d'y voir clair et je constate que vos formules ont le pouvoir de faire tomber la neige sur mes yeux."
      Vous préférez la métaphore de la paille et la poutre dans l'oeil ou le camembert qui cause au munster?
      A ce propos, je renouvelle mon conseil : créez votre propre blog pour vous y épancher et voir si des lecteurs réussissent à retrouver le chemin de toutes ces circonvolutions et suivre tous les méandres de votre pensée.

      "Mais s'il vous plait, ne croyez pas vous être fait avoir, quand on ne vous a pas eu."
      Malheureusement pour vous, vous n'êtes guère convaincante. Faute d'arguments rationnels, faute de cohérence sans doute aussi. Reste donc que je ne crois pas m'être fait avoir, je sais. C'est un fait établi. C'est comme ça que ça s'est passé. On ne peut pas revenir sur ce fait passé. Et qui se renouvelle souvent avec Sirk. C'est personnel. Je n'écris pas les tables de la loi sur Sirk. Mais sur ce qui s'est passé quand j'ai vu Battle Hymn. Cela ne signifie pas que je ressentirai à nouveau tout ça si je le revois. Cela signifie que c'est ce qui s'est passé quand je l'ai vu. Et personne n'y peut rien, c'est comme ça et c'est pas autrement. De la même manière que ce film ne vous ait pas eu, je n'y peux rien, ce n'est pas ma faute. Et ce n'est pas grave.

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