jeudi 29 mai 2014

Les apprentis



1995

Cinéaste: Pierre Salvadori
Comédiens: François Cluzet - Guillaume Depardieu

Notice SC
Notice Imdb

Vu en dvd



"Les apprentis" n'est pas mon Salvadori préféré. Le film n'est pas aussi emblématique de son cinéma (du moins tel que je me le figure) dans ce qu'il peut être loufoque, sur le côté du chemin. Certes, il raconte encore et toujours la dépression, thématique fétiche du cinéaste, avec deux personnages volontiers déraillés.

Celui que joue Guillaume Depardieu l'est naturellement, par nécessité familiale sans doute, avec des parents qu'il n'entend plus depuis belle lurette. Celui que joue François Cluzet se retrouve dans la fosse aux losers par obligation. C'est un chagrin d'amour qui l'y a poussé et qui bouleverse donc sa vie. Il était destiné à une vie pépère, petite bourgeoisie, famille, bébé, photos de famille sur le mur, dessin d'enfant sur le frigo, travail et paye, quotidien régulier. La sortie de route est donc plus que douloureuse pour lui.

Pour traiter d'un sujet aussi dramatique à la manière d'une comédie de mœurs, il a fallu à Pierre Salvadori un sens particulier pour l'écriture du scénario, une capacité à humaniser ses personnages avec justesse et tendresse. J'aime beaucoup chez cet auteur cette aptitude à poser un regard bienveillant, très positif, très caressant sur les aspects les merdiques de l'existence. Il se dégage de ses films un calme, une sérénité à toute épreuve qu'il doit essentiellement à l'humour des situations qu'il imagine, mais aussi à la façon pas toujours orthodoxe de ses personnages à se sortir du merdier qui les submerge parfois.

La dépression, sorte de déraillement sur le parcours de l'existence, se traduit par des petits soubresauts dans la gestion du quotidien. C'est alors que Salvadori donne à ses personnages une poésie très facile à goûter sur ce film précisément. Ils n'en sont d'ailleurs que plus libres, plus vifs, plus beaux que le reste du monde.

Et il n'y a même pas le moindre jugement moral, jamais ! Le ton reste toujours léger, très généreux, attentionné, sans la pesanteur du moindre reproche. Alors la dépression devient un épisode de vie, comme tant d'autres, sur lequel peut continuer à se construire une histoire. Le fameux déraillement n'en est plus vraiment un, il devient une option, une possibilité parmi d'autres, en tout cas quelque chose de naturel. Voyez cette légèreté, ces sourires qui persistent, cette absence de pathos qui s'impose tout le long du film. Cela n'appartient qu'à Salvadori. C'est ce que je préfère chez lui.

Plus tard sur d'autres films, il me semble qu'il prendra une autre envergure sur le plan de la direction des acteurs. Non qu'elle soit mauvaise, loin de là, mais j'ai le sentiment qu'ils s'appuie un peu moins sur eux pour faire sourire qu'il ne le fera par la suite. Encore que "Cible émouvante" était sur ce plan tout à fait emblématique or il est précède "Les apprentis". Ce qui confirme qu'il s'agit bien là avant tout d'un ressenti personnel non établi sur des faits inscrits dans le temps.

La qualité de jeu d'un acteur comme François Cluzet
n'est déjà plus à prouver à l'époque. Grâce à sa sensibilité, il réussit très bien à marier ici à l'extrême fragilité de son personnage une espèce de candeur qu'il mêle à l'affection pour son compère lunaire. C'est un travail d'acteur compliqué qu'il parvient à rendre tout à fait palpable et touchant. J'ai adoré ça. Sans excès de gravité, il laisse son personnage progressivement s'attacher à celui de Guillaume Depardieu.

Celui-ci est un acteur que je n'apprécie pas vraiment. Sans raison particulière. Il me fait l'impression de jouer la comédie, même à lui même. C'est difficile à expliquer. De n'être pas tout à fait là. De n'être pas tout à fait un acteur jouant un rôle. Mais dans les films de Salvadori, ce décalage, cette "présence absente" ne m'horripile plus. Je le trouve même en adéquation avec la définition de ses personnages marginaux et paumés. C'est la même chose dans "Cible émouvante" et "Comme elle respire".

Même si ce n'est pas le "premier" Salvadori, déjà son cinéma, sa générosité, son allant positif mais non dénué d'un réalisme qui peut être dur, tout son cinéma s'exprime avec netteté, un cinéma heureux dans le malheur. En dépit du malheur? Au-dessus du malheur plutôt.

Trombi:
Judith Henry:

Jean-Pol Brissart:

Philippe Duquesne:

Marie Trintignant:

Claude Aufaure et Maryvonne Schiltz:

Marie Riva:

Serge Riaboukine: (left gauche)

Claire Laroche:

Philippe Girard:

Bernard Yerlès:

Zinedine Soualem:

Hélène Roussel:

Jean-Baptiste Marcenac:

Elisabeth Kaza:

Philippe Duclos:

Patrick Zard:: (centre)

Blandine Pélissier:

jeudi 22 mai 2014

Gaudi le mystère de la Sagrada Familia



2012

Alias: Gaudi, le mystère de la Sagrada Familia
Alias: Sagrada, el misteri de la creacio

Cinéaste: Stefan Haupt

Notice SC
Notice Imdb

Vu en salle



Je suis allé à Barcelone l'année dernière et j'ai visité ce lieu magique. La file d'attente gigantesque vaut amplement l'effort de patience : voir cette lumière, se laisser dominer par cette forêt de colonnes, se laisser caresser par ces voûtes sensuelles, vivantes de l'intérieur est un de ces moments pleins qui donnent raison aux peines de l'existence. Carrément ! C'est un fieffé agnostique qui vous le dit : la Sagrada Familia est un des plus beaux lieux de la planète. Aussi était-il inconcevable de louper une séance de projection à l'Utopia de mon quartier.

Ce documentaire est très bien fichu. Il observe son sujet sous toutes les coutures. Tous les angles sont abordés : que ce soit bien entendu l'évolution chronologique de ce projet colossal depuis Gaudi jusqu'à nos jours, que ce soient les controverses politiques, nationalistes, économiques, urbanistes, mais également les polémiques esthétiques, religieuses, allant fouiller dans le sens même à donner à cet édifice. Très riche, l'étude est d'abord centrée sur Antoni Gaudi, son implication, son imagination, son mysticisme, puis progressivement son oeuvre prend de plus en plus d'ampleur. Après, on suit effectivement la progression la construction, l'arrivée de nouveaux artistes, de nouveaux maîtres d'oeuvre, au fur et à mesure que l'édifice s'érige. La construction narrative est très claire, bien menée, rendue limpide par un très bel agencement des témoignages et des illustrations. J'ai vraiment beaucoup aimé le récit du documentaire. On entre littéralement dans la Sagrada Familia, son histoire, d'abord aux côtés de Gaudi, puis de ses successeurs jusqu'à la laisser en plein essor avec encore d'autres questions sur l'avenir.

Visuellement, je suis encore plein d'images personnelles, de souvenirs avant le visionnage, mais j'ai le sentiment que le documentaire parvient plutôt bien à filmer cette lumière, ces couleurs, cette majesté, la texture de la matière, la magie qui se dégage de ces lieux.

J'ai également été ravi, surpris même, par l'humour qui émarge un peu sur certains témoignages et surtout par le pouvoir de séduction des lieux sur tous ces gens, véritablement amoureux du monument, quel que soit le sens qu'ils lui donnent. J'ai l'impression de rencontrer des gens qui ont connu le même émoi, comme si une communauté de la Sagrada Familia existait, ce lieu étant si subjuguant qu'il reliait les hommes dans l'admiration, par une sorte de charme pénétrant qui perdure dans les cœurs.

Limite



1931

Cinéaste: Mario Peixoto
Comédiens: Olga Breno - Tatiana Rey - Raul Schnoor

Notice SC
Notice Imdb

Vu en dvd



Énorme déception : je m'attendais à un coup de cœur. Or, je ne suis jamais parvenu à me baigner dans ce poème d'images. Je me suis abondamment ennuyé. Comme devant le travail naïf et enthousiaste d'un enfant malhabile. J'ai beau me dire qu'à l'époque le cinéma n'a qu'une trentaine d'années, que Mario Peixoto tente d'exprimer quelque chose, qu'il expérimente un autre cinéma, peut-être de concilier sa littérature, sa poésie et le langage de l'image et du mouvement, que tout cela est louable, je n'arrive pas à accéder à sa proposition.

Je ne vois qu'un réalisateur qui s'amuse avec sa caméra sans vraiment considérer, justement, que l'image, le mouvement, le cadre sont assujettis à une grammaire qui n'a rien de littéraire et que si le fossé entre cinéma et littérature peut parfois être peu profond (certains cinéastes ont réussi cette gageure de relier ces modes d'expression), il peut également et très rapidement le creuser. Le cinéma se pense avant même de se ressentir sans doute. Ici, je n'ai jamais pu atteindre cette deuxième phase.

Les partis pris de la mise en scène de Peixoto m'ont paru tellement artificiels que je n'ai pas pu "entrer" dans son monde. Le pire est sans doute la répétition de certaines séquences. au niveau du montage, en effet, Peixoto s'essaie à la redite. Pas seulement sur un plan qu'on répète trois ou quatre fois d'affilée, comme ce zoom sur une fontaine,

 ou sept à huit fois ces vagues qui déferlent sur un rocher, mais également des plans qu'il remontre plusieurs minutes les avoir déjà passés.
Chez les trois personnages principaux du film, c'est peut-être l'effet de lassitude que Peixoto cherche à à transcrire à l'écran. Si c'est le cas, c'est réussi. Trop. Je doute cependant sérieusement qu'il ait eu l'intention d'ennuyer son spectateur. Je le vois plutôt comme un poète essayant d'embarquer le public vers une odyssée, contemplative, mélancolique où les regrets, les désillusions, la tristesse, le désespoir sont les maîtres mots, et non pas la lassitude ou l'ennui.

Sur ce travail visuel je suis donc rétif. Largement. Mais je suis tout autant malmené par l'accompagnement musical. A part sur la toute fin où les gymnopédies de Satie me paraissent parfaitement en adéquation avec ce que l'on voit à l'écran, la musique est très souvent en complète contradiction avec les images. Parfois la musique ronfle, s'emballe, on s'attend presque à voir les indiens attaquer les cowboys, mais non, un homme regarde dans le vide, allume un cigare et marche dans la rue, s'arrête, regarde le ciel, et repart, et puis un plan sur une branche morte qui se découpe dans le ciel, une branche qu'on a déjà vue il y a trois minutes et puis toujours pas d'indiens.

Bref, ce film est sans doute un très grand film brésilien, un film expérimental (ne me parlez pas d'avant-garde, je vous en prie, je garde mon chien andalou, je vous laisse "limite"), un film-poème qui peut toucher, exprimer quelque chose que mon inculture et mon insensibilité m’empêchent d'entendre. Ce n'est pas grave. 1h55 quand même... piouuuuu.

Trombi:
Olga Breno:

Tatiana Rey:

Raul Schnoor:

Mario Peixoto:

vendredi 16 mai 2014

Shadows



1959

Cinéaste: John Cassavetes
Comédiens: Ben Carruthers - Lelia Goldoni

Notice SC
Notice Imdb

Vu en dvd




Troisième film de John Cassavetes que je vois (après "Opening night" et "Meurtre d'un bookmaker chinois") et une nouvelle fois, j'ai beaucoup aimé.

Celui-là est son premier. Mazel tov! On sent évidemment cette grande liberté, propre à ce cinéaste, bien au delà du procédé d'improvisation en vigueur pour la direction d'acteurs sur ce film. Cette liberté se lit aussi dans la manière de filmer, la variété des plans, des cadrages. Tout cela donne le sentiment d'urgence, certes de l'impro, mais surtout de l'espèce d'avidité à capter l'image sur le vif, et ce qui se cache derrière les visages, les regards disent bien souvent plus longs que les mots, dans ce film plus qu'ailleurs.

Les attitudes aussi. Les acteurs sont formidables. Et la caméra d'essayer de suivre leur rythme, leurs expressions.

L'influence de la nouvelle vague française est criante. La France d'après guerre est omniprésente : Bardot, Picasso, l'existentialisme et Sartre, la France terre d'accueil pour les jazzmen, etc. Cassavetes se tourne encore vers le vieux continent. Ses autres films (du moins ceux que j'ai vus) m'ont l'air plus américains. On sent le jeune artiste encore imbibé de ses influences adolescentes, enthousiastes. Charmant.

Le propos anti-raciste est asséné avec une grande subtilité. J'ai un peu plus de mal à comprendre néanmoins ce que la bagarre finale vient dans le tableau. Était-ce nécessaire? C'est censé dire quoi qui n'avait pas été dit au juste? On avait déjà bien compris que cette bande de jeunes adultes était aussi soudée qu'assoiffée de liberté, dérivante au gré des événements, des rencontres, qu'ils n'avaient qu'à jouir de la vie, de leur jeunesse triomphante.

Le film en forme de tranches de vie offre une jolie perspective sur cette exubérance et ces troubles d'angoisse qui forment des parenthèses constructives. Il manque peut-être une meilleure maîtrise de la lumière, mais sinon c'est un premier film réussi, par son originalité, sa vitalité, son audace.

Trombi:
Ben Carruthers:

Lelia Goldoni:

Rupert Crosse:

Pir Marini:

Jack Ackerman:

Hugh Hurd:

Anthony Ray:

Dennis Sallas:

? et Tom Reese:

John Cassavetes:

Greta Thyssen:

?

David Pokitillow?

David Jones?
 Cliff Carnell?