samedi 15 mai 2010

Le mépris


alias : Contempt
1963

Cinéaste: Jean-Luc Godard
Comédiens: Fritz Lang - Michel Piccoli - Brigitte Bardot - Jack Palance

Notice Imdb
Vu en dvd


Bigre, que de temps il m'a fallu pour me replonger dans le bain godardien! Entre l'adulation sans borne et le rejet pur et simpliste, il existe un petit espace où le cinéphile peut trouver refuge. Car le chercheur, l'expérimentateur Godard me broute parfois alors que le littérateur, le provocateur peut me ravir... ou l'inverse. Et puis il y a l'amoureux de l'image, du cinéma, de l'art en général, personnage plus subtil qu'il en a l'air.

Dans ce film, les trois Godards sont là. Je ne sais pas si "Le mépris" est le premier film tourné en cinémascope par le cinéaste, mais les jeux auxquels il s'adonne m'y font songer. De même pour la couleur. Les nombreux travellings dans les ruelles de Cinecitta, les allées et venues de la caméra, gauche-droite dans la salle de projection, et ne serait-ce que le premier plan filmant la caméra cinémascope,

de nombreuses scènes rendent hommage à ce format si singulier, ces deux bandes noires qui emprisonnent la perception du spectateur.

Dès les deuxièmes séquences du film, les couleurs entrent en jeu, cherchant à se distinguer, insistent un peu lourdement sur leur présence. En montrant le cul de Bardot en rouge, jaune et bleu, Godard affirme un peu trop ostensiblement que la forme n'est qu'artifice, qu'elle se fabrique comme un objet, que Bardot et l'image sur-réelle que le monde du cinéma projette n'est qu'une illusion, une association de couleurs, des jeux de lumières, que l'image de cinéma n'est que fictive. Oh je suppute! Mais face à un film qui s'octroie de si vastes marges de liberté esthétique et narrative, on est bien obligé de supputer comme un sagouin.

D'autre part, en situant son film dans le bleu et le rouge méditerranéen de Rome à Capri, le réalisateur convoque lumières et couleurs afin d'offrir à l'histoire son écrin de passion.


Car ce qui importe le plus, c'est cette admirable idée de juxtaposer l'Odyssée d'Homère à l'histoire amoureuse du couple Bardot-Piccoli. Qu'est-ce qui peut expliquer la fin de l'amour, le mépris? Comment un homme peut perdre l'amour d'une femme?

Qui n'aime plus en premier? Celui qui provoque le mépris ou celui qui l'éprouve? Qui est responsable? Ulysse ou Pénélope? Est-ce irrémédiable? Etc.

Cet astucieux procédé a l'avantage d'être bien lisible, compréhensible. Le discours porte sans difficulté. Je ne sais pas bien pourquoi Godard inclut des scènes explicatives inutiles. On y voit par exemple, Piccoli raconter à Fritz Lang ce qu'on a déjà compris, à savoir qu'il est Ulysse quand Bardot est Pénélope. L'attention et l'intelligence du spectateur (mais si, mais si) sont sollicitées.

C'est une balade presque parfaite. Presque. Les scènes dans l'appartement sont très longues et lassantes, en grande partie à cause de dialogues redondants. Le dialogue de sourds auquel nous assistons se révèle vite pénible.

Heureusement, le voyage à Capri relance la roue de ce couple à la dérive.

Le lien Odyssée / histoire présente se fait encore plus resserrée face à l'étendue bleue. Capri est Ithaque. Et ici, ce qui n'était que royaume de l'artifice prend le pas sur la vraie vie, quand la littérature se confond avec le réel, dans une sorte de théâtre de la vie, ce que le toit de la villa de Capri nous rappelle constamment.

Film amoureux du cinéma, ode au spectacle, les couleurs, le format scope, Cinecitta et ce jusque dans la distribution où viennent trôner les trophées humains de Godard : Fritz Lang,

Ze grandissime Fritz, l'un des meilleurs cinéastes de l'histoire du cinéma, qui a su y entrer dès le muet, traverser les océans, les langues, les techniques pour bâtir une oeuvre immense, intelligente, riche, belle, spectaculaire autant que profonde, de l'émotion au divertissement. Et puis Jack Palance,

le roi du cinéma bis, le cow-boy d'Hollywood. Mais y a-t-il plus phénoménal que BB à l'époque, l'image sexuelle par excellence, la beauté incarnée des années 60 et dont le reflet des flammes continue encore aujourd'hui de danser et modeler les tendances érotiques? Godard fait joujou avec ces icônes.

Il est habile, fait preuve d'espièglerie, mais peut-être (voyez comme je suis prudent) également d'un manque de maîtrise ou de retenue quelque fois. Dans son goût immodéré du mot, le cinéaste est par moments un peu lourd, en rajoute. 

Bon film mais je ne parviens pas à lui trouver la force ni l'acuité que beaucoup décèlent. Difficile pour moi en ce moment de trouver les mots et d'avoir même les idées justes et claires. Mon expression est limitée sur ce film qui mérite sûrement des commentaires beaucoup plus pertinents. Je fatigue.

Trombi:
Giorgia Moll:

1 commentaire:

  1. mais non, vous n'êtes pas fatigué : cette chronique
    est bonne et je reverrai le film sur Arte lundi 7 avril à 20.50 (d'accord avec vous, Godard penseur, critique d'art cultivé est plus séduisant que ses films)

    RépondreSupprimer