Quand le reptile se fait des pellicules, des toiles, des pages et des dessins... Blog sur l'image et la représentation en général. (cliquez sur les captures pour obtenir leur taille originale)
mercredi 3 juillet 2013
Potiche
1980
Auteurs: Pierre Barillet - Jean-Pierre Grédy
Metteur en scène: Pierre Mondy
Comédiens: Jacqueline Maillan - Jacques Jouanneau, Pierre Maguelon
Vu en dvd
Depuis quelques temps, l'attrait pour les petits plaisirs nostalgiques me fait faire des bonds de trente ans en arrière à la re-découverte de spectacles populaires que la télévision offrait à la joie toute enfantine du téléspectateur avide que j'étais. Si la qualité n'étaient pas toujours bien là, ces pièces de théâtre constituaient une sorte de rendez-vous familial durant les vacances scolaires, chez ma grand-mère, rendez-vous difficile à manquer quand l'intitulé "Au théâtre ce soir" les annonçait sur Télépoche. Je ne l'aurais manqué pour rien au monde.
C'était un dépaysement bourgeois, drôle, léger qui me sortait de la campagne montalbanaise, laquelle recelait d'autres trésors attrayants, mais disons qu'à la fraîche après une longue journée de plomb, en soirée, en sirotant une menthe à l'eau et en se goinfrant de car-en-sac, hé... j'étais pas loin d'être sûr d'avoir là un super divertissement.
Parfois, cela ne volait pas bien haut, tapant dans l'humour du tout venant, simple, sans grande envergure critique. On misait surtout sur les têtes d'affiche de la pièce, sortes de sauf-conduits pour le rire, délivrés par la proximité que ces "vedettes" avaient su bâtir avec le public. Mais parfois, une pièce par-ci, par-là, marquait les esprits, plus finaude qu'à l'accoutumée ou dopée par une distribution remarquable. Potiche fait partie de celles-là.
Je ne connais pas le théâtre, seulement par le tout petit bout de la lorgnette qu'était la télévision du temps des trois chaînes, c'est dire la pauvreté de ma culture. Cependant, j'ose croire que les auteurs de cette pièce-là ne sont pas des sous merdes. Dans le registre comique qui est celui de cette pièce, l’œuvre me parait très équilibrée, bien écrite, du sur-mesure pour la comédienne principale, et puis finalement, cette histoire veut dire quelque chose si l'on veut bien se pencher dessus deux secondes.
Était-ce prémédité? Le témoignage de Pierre Barillet dans les bonus du dvd semble indiquer que cela ne l'était pas vraiment, mais l'on soupçonne vite le bonhomme de faire de l'humilité excessive. Il dit ne pas trop avoir eu conscience de l'aspect politique, pourtant la pièce est bien ancrée dans son époque. Montée en 1980, la captation date de 1983 (en tournée à Lille?). Quand je parle de politique, je fais allusion non pas aux revendications sociales des ouvriers, mais bien à la place de la femme dans la société.
La douce et pertinente épouse en étant obligée de remplacer son mari à la direction de l'usine représente la revanche, toujours paisible ici, de la gente féminine sur le patriarcat. Je sais bien ce que le propos a de dépassé aujourd'hui, et sans doute même que cela commençait un peu à l'époque, mais outre que ce rappel fondamental n'est jamais mauvais, il est établi de façon plus fine qu'il n'y parait. Surtout que la naïveté de la potiche se révèle un leurre qui n'est pas sans poser des questions. N'est potiche qui veut.
On se rend compte peu à peu que le personnage joué par Jacqueline Maillan est plus complexe, cache un passé de femme "complète", plus riche qu'on ne le pensait. La situation de départ se renversant, celles et ceux qui voyaient en cette femme le portrait craché de la mère de famille traditionnelle, inapte à prendre de grandes responsabilités passent finalement pour des billes, des gens de peu de cervelle, incapables d'entendre le monde moderne et ses subtilités. En tirant par les cheveux ce constat, on serait presque tenté d'évoquer une mécanique à la Douglas Sirk. Presque. M'enfin, c'est peut-être ce qui fait que François Ozon a voulu faire cette potiche au cinéma?
Potiche est encore l'occasion pour moi d'un retour vers le passé, voyage dans le temps que j'adore m'octroyer de temps en temps via le cinéma ou les séries télé. Entre les décors très traditionnels, avec ce chic rustique des grandes bâtisses provinciales de l'époque, décors que l'on doit à André Levasseur et les fringues, mêlant modernité sportswear flashy et BCBG tranquille, l'esthétique de la pièce, très 80's, est bel et bien présente, rappelant l'univers visuel de mon enfance. Encore cette satanée nostalgie qui me titille le bulbe, l'âge grimpant.
Mais de façon tout aussi nette, c'est la distribution qui m'enchante, le ticket gagnant... du moins une moitié de celle-ci. Il y a là trois comédiens que j'ai eu énormément plaisir à revoir.
Jacqueline Maillan est une actrice qui a joué pratiquement toujours le même rôle (je schématise, m'enfin...). D'autres très grands ont fait la même chose, ce n'est pas sale. Elle est parfaite, sur le fil du rasoir. Elle garde pied sur sa fanfaronnade. Entre son rôle d'épouse un peu godiche, gentiment conne et la petite fille rêveuse, idéaliste, romantique, elle est tout de même capable d'un pragmatisme à toute épreuve, compétence qui la met au dessus de son cynique de mari.
Celui-ci, interprété par Jacques Jouanneau, un comédien dont le physique particulier et surtout la voix haut perchée sont gages d'un plaisant ridicule, n'a pas pu échapper à votre attention si vous avez vécu cette période. Dans un rôle de complet salaud, il s'ingénie à râler, à hurler, à singer le patron hyper réac. Comme son personnage n'évolue guère et qu'il est perpétuellement sur une tonalité hystérique, je conçois aisément que certains s'en agacent. A l'image d'un De Funès, pile électrique de méchanceté pure, il finit par faire sourire en ce qui me concerne, parce que plongé dans un magma de vitupérations, d'excès et de grotesque, en une sorte de caricature de patron inhumain.
Le troisième larron est celui qui m'a le plus impressionné par la sureté de son jeu. Pierre Maguelon est plus connu du public pour son rôle de l'inspecteur Terrasson dans Les brigades du tigre et son accent occitan prononcé. Il joue là un rôle tout aussi basique que ceux des autres, mais il a un talent certain pour poser sa voix et une manière très sûre de dire son texte.
Une grande part du plaisir pur qu'offre cette pièce vient sans aucun doute possible de la mise en scène de Pierre Mondy. J'ai vu plusieurs de ses pièces et les comédiens s'y révèlent souvent à leur plus haut niveau. Pour le reste de la distribution, c'est moins visible. Il y a bien Patricia Karim avec qui Mondy a joué dans le troisième opus de la 7e compagnie, mais les deux autres, les plus jeunes s'oublient vite, manquant de personnalité et de finesse dans leur jeu.
Somme toute, un petit spectacle gentil, a priori inoffensif, parfois surprenant pour ses audaces pince-sans-rire et son discours sous-jacent, la plupart du temps juste aimable, il faut l'avouer. En tout cas, voilà une pièce qui m'a procuré beaucoup de plaisir et qui me donne envie d'en revoir d'autres et de les chroniquer.
Reste du trombi:
Patricia Karim:
Roland Oberlin:
Marie-France Mignal:
Christian Defleur:
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Pour avoir apparemment votre âge et vécu les soirées au coin du feu chez ma grand mère à regarder "au theatre ce soir", votre chronique m'a procuré paradoxalement bien plus de plaisir que celle Maihime pour laquelle je suis arrivé ici. Un agréable écho de voix oubliées, de personnes disparues et de moments de plaisir simples et précieux qui me font repartir de votre blog avec un léger sourire.
RépondreSupprimerMerci, d'avoir pris le temps pour cet agréable commentaire.
RépondreSupprimerRoland Oberln , sans personnalité ? Lui qui sû quelques années plus tard réssuciter avec grand succès des chansons peu connues de Charles Trenet dans un récital de 33 chansons - à Paris au Studio des Champs Elysées - avec un piano seul comme accompagnement ...le pianiste de Charles TRENET . 33 chansons sans entr'acte = 1H45 de spectacle ovationnée tous les soirs . Le spectacle s'appelait " CHAPEAU Monsieur TRENET " = titre qui a été piqué plusieur fois par la suite - et ,en 1987 et 1989 , a eu des critiques dithyrambiques jusque dans le Vanity Fair Daily .
RépondreSupprimerArf vous n'avez pas bien lu, ça arrive parfois. C'est pas grave.
SupprimerJe n'ai pas écrit qu'Obertin était sans personnalité, je ne connais pas cet homme, et quand bien même le connaitrai-je que je ne me permettrais pas d'écrire ce type de jugement de valeur. Non si vous aviez bien lu, vous auriez lu "manquant de personnalité et de finesse dans leur jeu". "Dans leur jeu", uniquement car je ne parle que de mon ressenti devant cette pièce Potiche. Pas de ce qu'ils feront dix ans plus tard. Je parle de jeu, de possession du personnage dans ce cas là, Potiche, pas de ce qu'il joue en chantant par ailleurs. De plus, je parle de "manque" pas d'absence totale, de nullité. Bref vous avez mal lu.