Quand le reptile se fait des pellicules, des toiles, des pages et des dessins... Blog sur l'image et la représentation en général. (cliquez sur les captures pour obtenir leur taille originale)
samedi 30 octobre 2010
La renarde
1950
Titre original: Gone to earth
alias : La renarde
Cinéastes: Michael Powell - Emeric Pressburger
Comédiens: Jennifer Jones - Cyril Cusack - David Farrar - Esmond Knight
Notice Imdb
Vu en dvd
Et voilà, encore un coup du duo Powell / Pressburger : je me suis fait eu, une nouvelle fois par la virtuosité de leur mise en scène et cet univers merveilleusement coloré.
Tout de suite en effet, l'habillage visuel remplit les mirettes du spectateur de mille couleurs. Depuis "Le narcisse noir" je crois que je n'avais vu une aussi décomplexée mais habile utilisation du Technicolor. Ils en ont les moyens et ne lésinent pas à la tâche. La photographie est par moments ébouriffante.
De plus, Powell et Pressburger ont le génie de dénicher des histoires solides qui s'appuient sur des canevas classiques (ici, une femme entre deux hommes, l'un vertueux, l'autre animal), étayées par des siècles de civilisation. Et ils en tirent un récit intense, magnifié par des trésors de mise en scène et image.
Les couleurs se sont pas justes éclatantes, foisonnantes et belles. Elle disent des choses à l'œil du spectateur. Les robes rouges passion de Jennifer Jones
ou bien les rayons orangés du soleil couchant dans la maison du pasteur enfiévré de jalousie et d'amour en sont les illustrations évidentes.
L'art de dire sans les mots n'est pas un usage vain pour Powell et Pressburger : des séquences où les pieds parlent, vous conviendrez qu'il n'en existe pas des pelletées, hum? Ces deux lascars nous en livrent une de toute beauté. Comment rester insensible à ce genre d'exploit poétique? N'est-ce pas pour cela que le cinéma existe et nous fascine?
Le seul élément qui retreint mon plaisir est ce dvd sans sous-titres, du tout, pas même anglais. Il serait présomptueux de ma part de vouloir faire accroire que l'accent gallois de Jennifer Jones
et Esmond Knight
ne m'a pas posé le moindre problème de compréhension. Certaines phrases ont été difficilement déchiffrables par instants.
A noter que le dvd présente quelques écarts de couleurs ou de luminosité également. Pas de quoi fouetter un renard cependant.
Heureusement, le jeu des trois principaux comédiens est parfait. Jennifer Jones
en brave jeune fille, un peu trop ingénue, David Farrar
en brute épaisse, fondu de possessivité et Cyril Cusack
en austère protestant se découvrant une passion magnifique pour sa jeune femme forment un trio gagnant. On a rarement vu Michael Powell se louper sur sa distribution. C'est toujours un plaisir de voir ses films également pour découvrir des talents, souvent issus du théâtre britannique.
Cette histoire, émouvante et haletante finit d'emporter tout. Le personnage d'Hazel (Jennifer Jones)
tiraillée entre deux hommes complètement opposés est l'image même de la féminité, la toute jeune, celle qui se trouve pour la première fois confrontée à l'amour et les choix de vies qui en résultent : l'aventure ou la sécurité? la passion ou la fidélité? le sexe ou l'amour?
Certes, l'existence et les rencontres s'évertuent, dans la réalité, à rendre tout cela bien plus complexe mais la parabole est belle et a le mérite de souligner des tourments qui n'ont plus rien d'irréel.
D'autre part, rien dans le scénario ne vient simplifier l'histoire. Les personnages ne sont jamais jugés de manière simpliste, ni irrévocable. Ils ont droit aux égards des auteurs. Ils sont aussi complexes, partagés, indécis, fragiles, vrais en somme.
Comme souvent chez Powell et Pressburger, le film s'installe doucement en vous et prend de plus en plus de place. Vous vous retournez et vous rendez compte qu'il vous a marqué plus que vous ne le soupçonniez à la fin du visionnage. Signe des grands films.
Trombi:
Edward Chapman:
Sybil Thorndike:
Hugh Griffith:
George Cole:
Frances Clare:
vendredi 29 octobre 2010
Break up, érotisme et ballons rouges
1965
Titre original: L'uomo dei cinque palloni
alias : Break up, érotisme et ballons rouges
Cinéaste: Marco Ferreri
Comédiens: Marcello Mastroianni - Catherine Spaak - Ugo Tognazzi - William Berger
Notice Imdb
Vu en salle
Le titre français est aussi inepte que mensonger. D'érotisme, il n'est point question. Mais la sortie française sur le marché érotique décidée par je ne sais quel génie a tôt fait de tuer le film qui n'est resté à l'affiche qu'une semaine, évidemment. En dehors d'une diffusion télévisée au "Cinéma de minuit" de Patrick Brion, cet "uomo dei cinque palloni" est un objet rare que la Cineteca Italiana di Milano (si je ne m'abuse?) a bien voulu prêter au 36e Cinemed afin de rendre hommage à Marco Ferreri.
Une première pour moi : visionner un film en version originale sans sous-titre, mais muni d'un casque d'où sort la voix virile d'un traducteur qui roucoule d'un accent transalpin à écorcher les nuages. Quelques secondes pour s'adapter et vole le navire!
La présentation du film par le critique Noël Simsolo pour souriante qu'elle soit ne m'a pas totalement convaincu sur le fond, même si l'idée de définir Marco Ferreri comme le cinéaste de l'obsession est souvent excitante mais pas toujours pertinente. Elle l'est complètement toutefois sur ce film-là, c'est indéniable.
Le film montre la lente agonie psychique d'un industriel milanais (me semble avoir reconnu les pointes érectiles de la cathédrale?) incapable de vivre sans réponse à une question obsessionnelle qu'il ne parvient pas à maîtriser rationnellement : "combien d'air peut-il me mettre dans un ballon avant que celui-ci n'éclate?" Le film est intégralement basé sur cette idée qui tourne en boucle dans son esprit, sans fin, jusqu'à le rendre fou.
Or, si la plupart des films de Ferreri se construisent autour de ce type de questionnement proche de l'existentiel ou d'une poétique de l'absolu et proposent donc une réflexion plus profonde, voire universelle et magnifique, ici, le soufflé se dégonfle progressivement. L'obsession de Mastroianni n'interroge pas vraiment l'existence, n'excite guère et n'engendre rien.
A part le travail toujours stupéfiant de cet immense comédien, je confesse un léger ennui vis à vis d'un sujet peu nourrissant et pas vraiment bien traité. Je me suis tellement habitué au travail d'orfèvre dans l'écriture du duo Azcona / Ferreri, que les limites du scénario, ses ratés dans le rythme me paraissent criants. La progression psychologique du personnage n'est pas maîtrisée : les hauts et les bas que connait Mastroianni manquent de réalisme et ne permettent pas de crédibiliser la thèse du film qui par conséquent s'écroule dans la dernière partie.
Tout ça pour ça? La dernière scène avec le chien montrant l'animal réussir à faire ce que l'homme tout à son obsession n'était plus capable d'apprécier est pour le moins grossière et finit de faire s'effondrer le film dans le lamentable. Oui, je suis très déçu. A la mesure de l'estime que je conserve pour ce couple d'auteurs bien plus précis et subtils sur d'autres œuvres.
Le petit appartement
1959
Titre original: El pisito
alias : Le petit appartement
Cinéastes: Marco Ferreri - Isidoro M. Ferry
Comédiens: Mary Carrillo - Concha López Silva - Ángel Álvarez - José Luis López Vázquez
Notice Imdb
Vu en salle
Quelle bonne idée ont eu les organisateurs du 36e cinémed : un hommage à Marco Ferreri, avec une grande partie de ses films. Parmi cette profusion, j'ai opté pour "Le petit appartement", une de ses premières œuvres. J'avais vu plutôt récemment "El cochecito". Dans la même veine sociale et perfide, le duo Azcona / Ferreri nous sort un peu avant ce "pisito" un appartement qui représente pour une humble engeance un trésor inestimable, aussi indispensable que rare, un toit sûr, mais surtout une petite fortune, une sécurité financière assez efficiente pour faire oublier aux plus faibles leur pauvre humanité.
Le cinéma de Ferreri est d'ores et déjà en 1959 d'une fraîche cruauté, d'un cynisme volontiers révoltant de prime abord si l'on prend le film au premier degré. En réalité, sa filmographie dessine le parcours d'un homme sensible et révolté par la petitesse des hommes, leurs faiblesses et les hypocrisies qui servent à les masquer. Son cinéma n'est pas triste, ni désespéré. Bien au contraire, il affiche son sourire et forge des aiguillons afin de prendre conscience de certains problèmes fondamentaux.
"El pisito" s'attaque à une situation sociale qui n'a pas d'âge : la garantie d'un toit, ce qu'on nomme aujourd'hui le "droit au logement". Dans l'Espagne franquiste des années 60, autant dire que ce droit se résume au strict minimum. Un jeune homme en vient ici à épouser une vieille dame, locataire principale d'un appartement madrilène de 4 pièces pour ne pas être jeté à la rue, lui et les autres sous-locataires à la mort de la vieille. Cette situation incroyable va bien entendu aller en se dégradant et dévoiler la perfidie de sa jeune fiancée ainsi que les liens de dépendance, monstrueusement destructeurs et déshumanisants qui se nouent entre tous ces individus, esclaves de leur manque de ressources et de droits.
Les portraits successifs des différentes personnages sont croqués avec beaucoup de justesse. Les acteurs font très forts.
José Luis López Vázquez en type malléable, entre couardise et imbécillité, joue remarquablement l'espèce de voie apathique que le laissent suivre ceux qui lui veulent du bien. Bien entendu, à travers lui, ils ne visent que leur propre confort. Manipulé de A jusqu'à Z, il semble être au final le seul pour qui les sentiments ont encore une signification. Il navigue ainsi entre les desiderata des uns et des autres, en dilettante, complètement infantilisé par sa castratrice fiancée et son voisin et ami (José Cordero "El Bombonero") jusqu'à la petite vieille (Concha López Silva) avec qui s'instaure une véritable amitié.
Sa fiancée jouée par Mary Carrillo est, elle aussi, superbement interprétée. Les deux comédiens nous livrent une somptueuse et émouvante scène dans un bar, dansant joue contre joue au milieu de couples amoureux. Elle se rend alors compte qu'ils ne s'aiment plus vraiment et vont devoir vivre ensemble malgré leur désamour, sans désir, par obligation. Qui est le plus dépendant de l'autre? Horrible compromission affective, marchandage du cœur sont les petites tortures qu'une société injuste inflige aux plus démunis pendant que les riches vont en Suisse soigner des maux sinon imaginaires au moins anodins.
Bref, Ferreri et Azcona frappent dur. Le sourire de cette comédie est jaune. Trop cruel, trop amer, sans aucune concession. Un cinéma solidement attaché à des valeurs qui touchent.
jeudi 28 octobre 2010
Le beau Serge
1958
alias : Handsome Serge
alias : Bitter reunion
Cinéaste: Claude Chabrol
Comédiens: Edmond Beauchamp - Gérard Blain - Jean-Claude Brialy - Bernadette Lafont
Notice Imdb
Vu en dvd
Alors, c'est donc ça le premier film de la Nouvelle vague? Parait. Pourtant, je lui trouve tellement d'accents "anciens". Étrange. J'ai vu récemment "Les cousins" qui, pour le coup, me parait beaucoup plus à même de justifier cette idée que je me faisais du mouvement, un cinéma plus naturaliste, plus mordant et corrosif, plus urbain également. C'est d'ailleurs cette idée sans doute fausse qui m'a mis dedans.
Ce qui m'arrête un peu est à trouver dans une histoire pas vraiment captivante et surtout ces relations entre les personnages qui sont restées beaucoup trop floues et m'ont laissé trop confus. C'est toujours désagréable de se sentir imbécile devant un film.
Pourquoi? Éternelle question. Pourquoi Jean-Claude Brialy
s'attache-t-il autant à Gérard Blain,
un personnage qu'il a connu et avec qui il a noué une relation d'amitié très forte il y a si longtemps, un type qui est devenu une loque humaine, alcoolique, agressif?
Beaucoup d'être humains connaissent parfois des accidents de vie et ne réussissent jamais à sortir de ces ornières, d'une souffrance particulière. Gérard Blain ne se remet pas de la mort de son premier enfant. Et la douleur le rend méchant. L'amertume en fait un connard pénible, un personnage détestable.
Alors bien entendu, cet acharnement de Brialy, malgré les humiliations que Blain lui fait subir, constitue un gros mystère que leur passé commun pourrait expliquer : une amitié proche de l'amour, un semblant d'homosexualité latente que le film ne fait qu'effleurer?
L'amour inconditionnel que Michèle Méritz voue également à Blain alors que celui-ci passe son temps à la conchier est difficile à entendre.
De même que la relation qui se noue entre Bernadette Lafont
avec Edmond Beauchamp.
Bref, Chabrol dépeint un monde triste, perdu où les rapports entre les gens ne sont que violence, où la peur de l'autre semble bâtir des murs d'incompréhension.
Au final, j'avoue m'être un peu noyé moi même dans ce qui ressemble à une espèce de fange où alcoolisme, auto-destruction, violence et inceste forment une sorte de farandole macabre dont le curé parait être le témoin désabusé. Une ruralité dégénérée qui fait l'exacte calque de l'univers urbain tout aussi nocif que dépeint le film "Les cousins".
Mais comme je le disais plus haut, ce "beau Serge" me parait moins intéressant. Sans doute parce qu'il décrit une situation un peu trop irréelle, un pathos ultra stéréotypé et par conséquent déconnecté de la réalité. Une histoire un peu trop outrancière dans son propos.
Les acteurs ne sont pas mauvais heureusement et auraient pu accentuer en sur-jouant cet aspect grossièrement morbide. Brialy reste très sobre. C'est tout à son honneur : le rôle est casse-gueule.
Blain joue un ivrogne méchant, lui aussi avait de quoi se louper mais il demeure correct.
J'ai apprécié le petit jeu tout en malignité de la jeune Bernadette Lafont. Et je comprends bien l'enthousiasme général des spectateurs de l'époque pour une de ces égéries de la Nouvelle Vague car elle dégage par son regard et ses sourcils en dessous une sexualité ahurissante.
Donc, un film qui m'a plutôt laissé sur ma faim, un premier film de Chabrol dont la verve caustique se fera bien plus subtile par la suite, fort heureusement.
Trombi:
Claude Cerval:
Jeanne Pérez:
André Dino:
Michel Creuze:
Claude Chabrol et Philippe de Broca:
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