dimanche 27 septembre 2009

Columbo: Le chant du cygne



1974
Titre original : Columbo - Swan song
Titre francophone : Columbo - Le chant du cygne

Saison 3, épisode 7

Réalisateur: Nicholas Colasanto
Comédiens: Peter Falk - Johnny Cash - Ida Lupino - Vito Scotti - John Dehner

Vu en dvd



Voilà le genre d'épisode pour lequel je n'ai pas toutes les clefs faute d'une culture adéquate. Pour bien en balayer les moindres recoins, il importe de connaitre son Johnny Cash par coeur. Ayant vu dernièrement Walk the line, biopic sur ce chanteur country, je comprends et apprécie d'autant mieux ce que signifie ce personnage de Tommy Brown, chanteur de country chrétienne. Les chansons prières au seigneur viennent faire écho au début de la carrière de Johnny Cash, qui avait tenté de faire son trou dans le gospel. Les rapports entre son personnage et sa femme jouée par une immense Ida Lupino (qui n'en est pas à sa première : elle joue dans Accident) sont en revanche assez éloignés de ceux qu'il avait vécu avec June Carter.

Quand je voyais cet épisode et que je ne connaissais pas encore Johnny Cash, je me demandais quelle était la part d'accointance entre le récit et la réalité. Des images stock-shots de concert achevaient de m'en convaincre.

Impression renforcée par l'intonation de Cash en version originale, associée à sa gestuelle : il ne joue pas très bien, ce n'est pas son métier, c'est un chanteur-musicien avant tout. En version française, cela passe mieux. Et puis pas de besoin de se pointer le torse en disant "I", "me" et myself" à tout bout de champ, à la longue cela se voit, m'sieur Cash. Son rythme est très bon mais sa voix laisse percevoir qu'il tente de jouer. Il y a quelques exagérations, quelques tons en trop parfois. C'est fort dommage parce que cet épisode est fort bien bâti et surtout bien mis en scène. C'est peut-être sur ce point que j'ai été ravi. Le tempo de jeu des comédiens, les idées de mise en scène et l'accompagnement musical sont sans doute les trois éléments majeurs pour expliquer mon grand plaisir à suivre cette enquête.

Plusieurs scènes sont formidables et agrémentent le récit, lui donnent un sel particulier avec pour conséquence de maintenir l'attention du spectateur. A titre d'exemple, je citerais les toutes premières investigations de Columbo sur le lieu du crime. Une discussion d'experts se développe entre Peter Falk et John Dehner, envoyé spécial d'une compagnie d'assurance.

Le balancement du personnage entre une enquête rendue soudain fort intrigante par Columbo et l'équipe de journalistes venus l'interviewer est encore une judicieuse idée de mise en scène.
J'évoquerais volontiers le dialogue entre Columbo et Lucille Meredith (qu'on avait déjà vue dans Candidat au crime 3.03) dans l'atelier de confection : savoureux moment

ou bien encore l'exceptionnel numéro de charme auquel se livre Vito Scotti (six Columbo à lui tout seul : Candidat au crime 3.03, Quand le vin est tiré 3.02, Le chant du cygne 3.07, Réaction négative 4.02, Jeu d'identité 5.03, Portrait d'un assassin 9.01) dans son meilleur rôle sans doute, un croque-mort qui essaie de convaincre vainement Columbo de souscrire une convention obsèques.

Je ne sais si c'est la faiblesse de jeu de Cash qui a incité les scénaristes à incorporer au script des scénettes-parures assurées par des comédiens confirmés? Possible. Quoiqu'il en soit, cela fonctionne merveilleusement pour ma part, je suis conquis.

On a droit encore une fois à une séquence jouant sur les piètres aptitudes physiques du lieutenant de Columbo à son retour d'un périple en avion. Il met un certain temps à s'en remettre pour notre plus grand et cruel bonheur.


L'épisode oblige également le spectateur à accepter un préalable a priori difficile à avaler : le crime perpétré par crash d'avion. Tommy Brown (Cash) tue sa femme (Lupino) en sautant en parachute et en laissant l'avion s'écraser. Malgré cela, le foisonnement d'idées décoratives ou structurelles au scénario rend la lecture très homogène et crédible. Du début à la fin, on est accroché. Les scènes finales de l'aéroport ménagent une sorte de suspense improbable : comment? Columbo va-t-il laisser filer sa proie? Est-ce possible? Le dénouement, à cet égard, est bien fichu.

Un très bon épisode en dépit de caractéristiques qui auraient pu constituer de graves déséquilibres et qui est épicé de musique rock country au rythme qui se laisse diablement retenir, du moins à qui l'oreille et les goûts en donnent la permission.

J'aime beaucoup cet épisode malgré le jeu de Cash lequel ne manque pas de charme pourtant, une espèce de sympathie naturelle qui donne à sa relation à Columbo un attrait bien spécial. Columbo a rarement été aussi faux-derche, manipulateur et néanmoins l'on sent qu'il apprécie son "assassin". On est très loin des batailles à fleuret non moucheté, des duels acharnés et féroces mais c'est tout de même une rencontre charmante.

A noter la courte apparition de Sorrell Booke (le Boss Hogg de Shérif fais-moi peur) en manager de Tommy.

Reste du trombi:
Bill McKinney:

Une tête que vous ne pouvez pas ne pas connaitre John Randolph:

Tandem



1987

Cinéaste: Patrice Leconte
Comédiens: Jean Rochefort - Gérard Jugnot - Julie Jézéquel - Jean-Claude Dreyfus

Notice IMDB

Vu en dvd



Très joli road-movie, noir et drôle à la fois. Il y a de la comédie italienne là-dedans... du fanfaron.


Le film accompagne deux êtres dépendants l'un de l'autre et de leur travail. Ils font la route pour oublier le vide de leurs petites existences. Ne jamais s'arrêter, surtout pas. Et si Jugnot livre une bonne interprétation, sans moustache ni trompette d'ailleurs mais avec une moumoute pour faire oublier l'image de franchouillard moyen qui lui collait au derme depuis un certain nombre d'années, splendides,

c'est bien entendu dans l'étendue du talent de Jean Rochefort que se situe l'attrait principal du film. La très large gamme d'émotions que le bougre d'animal parvient à étaler devant nos yeux ébaubis et pour le plus grand plaisir de ceux qui aiment les acteurs démontre à qui ne lui reconnaîtrait pas ces capacités hors du commun qu'il est d'une justesse sans faille, avec la sensibilité mêlée de malice qui touche au but, avec la fantaisie et un physique à nuls autres pareils qui lui permettent des éclats magnifiques alors que chez d'autres ils paraîtraient du plus grotesque ridicule.

Acteur sur le fil du rasoir, Rochefort trouve là un rôle à sa démesure, tout en nuances déroutantes, extraverti enfouissant au plus profond ses troubles et lourdes angoisses, tari d'amour, désespéré, glauque, comme figé dans le temps qui passe pourtant, inexorable, et dans une solitude à peine apaisée par la présence de son Sancho Panza. Je parierais que Terry Gilliam a vu ce film de Leconte. Rochefort vitupère, bouleverse, explose et subit. C'est une performance admirable.

Patrice Leconte a sû ici avec courage s'effacer pour donner volontairement une image assez terne à sa mise en scène, sans tapage, très sobre mais néanmoins assez fine et qui surtout colle à la perfection à l'histoire dépressive. La photographie de Denis Lenoir est volontiers sombre, dans les verts-de-gris. Les paysages déserts, humides et froids évoquent le nez qui goutte et les paupières qui tombent de fatigue, pour des personnages tristes qui ne veulent pas se l'avouer sous peine d'en mourir.


Très joli film qui réussit à mêler mélancolie et sourires. En dépit d'un sujet proche du grand gouffre "Pathos", le film ne tombe jamais grâce entre autres à la furieuse créativité et l'exubérance jouissive de Jean Rochefort et un scénario noir, aigre, mais toujours avec un clin d’œil rieur, une maligne propension à se moquer avec affection des situations dans lesquelles la ringardise des personnages atteint quelques sommets hors-catégorie. A ce sujet, quelques points communs avec "Les grands ducs" se font jour.

Trombi:
Jean-Claude Dreyfus:

Sylvie Granotier:

Julie Jézéquel:

Marie Pillet:

Ged Marlon:

La chevauchée de la vengeance



1959
Titre original : Ride lonesome
Titre francophone : La chevauchée de la vengeance
alias : Le vengeur solitaire

Cinéaste : Budd Boetticher
Comédiens : Randolph Scott - James Coburn - James Best - Karen Steele - Lee Van Cleef - Pernell Roberts

Vu en dvd





Après la méchante déconvenue survenue en découvrant The tall T pour mon premier Boetticher, je posai la galette avec une légère appréhension mais tout de suite, elle s'envola. Comme si un parfum subtil se faisait sentir, dès les premières images. Le cinémascope est toujours le bienvenu personnellement. Ici l'image est bonne, le grain impeccable. La scène d'ouverture est un petit bijou de mise en scène. Après un plan fixe sur de grands rochers pendant le générique, on aperçoit un cavalier (Randolph Scott) qui émerge progressivement de cet amas minéral et phallique.

Doucement, il approche, au pas, calme. La caméra le suit. Un léger travelling sur la droite nous amène à découvrir un autre cow-boy (James Best) assis près d'un feu et de son cheval qui émet un léger hennissement. Son propriétaire ne bouge pas mais répond que lui aussi l'a entendu. L'action est d'une fluidité remarquable. Randolph Scott est descendu de son canasson et entreprend arme au poing d'escalader le monticule pour surprendre vraisemblablement sa proie. Il n'a pas le temps de jeter un regard furtif vers le foyer qu'il entend l'autre l'inviter à le rejoindre. Dans la continuité Scott passe les derniers obstacles rocailleux et arrive sur la scène face à James Best (le Rosco de Shérif fais moi peur, oui oui!) présentant un superbe plan de son postérieur. Les menottes au cul finissent de nous indique tout de l'histoire entre les deux hommes.

Magnifique! Best se lève montrant bien le revolver dans l'étui de sa jambe droite. Tension et suspense, non dits très clairs, on entre de plein pied dans le western. Chapeau... heu... Stetson, plutôt!

On parle souvent d'épure concernant Boetticher. Je maintiens que The tall T est loin de ce que ce terme recouvre dans mon esprit, bien au contraire. Alors que pour ce Ride Lonesome, il convient de manière idéale. Les relations entre les personnages, la concision des dialogues, la clarté des situations, la limpidité de la mise en scène en attestent. Le sublime travail d'écriture fait de ce grand western un spectacle très fin et très agréable à lire.


C'est d'autant plus vrai qu'il distribue une galerie de personnages complexes, avec leurs parts de mystères, leurs desseins floutés. Sans que l'on soit perdu pour autant, car l'histoire n'offre que peu de surprises ; le scénario propose une histoire pleine de doutes et de tensions admirablement bien rendus par des comédiens au jeu simple et efficace. J'admire à ce sujet le peu que Lee Van Cleef nous livre en si peu d'apparitions.

Il y met suffisamment d’ambiguïté pour troubler l'image que l'on se fait d'un tel personnage. La prestation de James Best est très bonne empruntant au mythe de Billy the kid.

Et puis il y a la généreuse plastique de Karen Steele qui en outre dépeint avec sobriété et force le regard dur des femmes de l'ouest.


On voit trop peu de James Coburn pour être vraiment ébloui.

De Scott, on appréciera avec ses rides mal cachées, les exploits sportifs et équestres, son mutisme qui lui donnent une belle sécheresse, une pudeur et une droiture qui évoquent les grands mythes du western hollywoodien de Wayne à Eastwood.

Je ne connaissais pas Pernell Roberts. Son jeu m'a semblé relativement ordinaire et bien souvent je me suis laissé aller à imaginer d'autres comédiens qui auraient donné ce petit plus qui font les grands acteurs. C'est le petit bémol du film.

Poursuite, rachat, vengeance, rapports homme-femme, tous ces thèmes clefs sont plus ou moins interrogés dans ce très joli film, à la beauté en clair-obscur alimentée également par un travail photographique remarquable du chef-opérateur Charles Lawton Jr. notamment lors d'impressionnants crépuscules sur le désert.


Je me suis réconcilié avec Boetticher, pas avec The tall T vraiment très différent dans l'écrit comme dans la forme.

Jusan-nin renzoku bokoma

 

1978
alias : Le démon de la violence
alias: Serial Rapist


Cinéaste : Kôji Wakamatsu
Comédiens : Mayuko Hino - Emi Yamashita - Tensan Umatsu - Kumiko Araki

De prime abord, je me suis inquiété de la relative médiocrité de compression et d'édition du dvd. Cela ressemble à une vhs. Et puis le souci constant de créer un bel objet chez Wakamatsu, sa recherche d'angles et d'une certaines picturalité console en partie le spectateur.

Néanmoins, il apparait clairement que le bon vieux scope noir & blanc fait tout de même défaut. Le passage au 4/3 n'est pas dû à un recadrage comme le prouvent plusieurs jolis plans exploitant le format. Je ne connais pas l'histoire de ce film mais je suppose que les temps sont durs pour Wakamatsu et qu'il s'agit avant tout d'une donnée budgétaire. Malgré un aspect un peu cheap, vidé, délavé, le cinéaste s'en sort parfois fort bien.


Sauf peut-être sur les scènes de nuit.

L'histoire est l'antienne wakamatsienne du jeune garçon mal dans sa peau qui, dans un environnement pollué et oppressant de HLM et de terrains vagues, promène son oisiveté et son malaise jusqu'à ce que des rencontres lui permettent de laisser exploser son amertume, son aigreur dans des bouffées de violence criminelle. A noter que tous ses crimes sont accompagnés dans leur paroxysme des sons et cris de la modernité (sirène de police, de bateaux, hurlements des moteurs à réaction des avions, circulation, etc.). Là dessus s'ajoute une inaptitude à affronter ses peurs sexuelles, à accepter la sexualité, les femmes, le passage à l'âge adulte, les engagements et ses propres pulsions morbides.





On suit donc pendant un peu plus d'une heure l'errance criminelle de ce personnage joué par un jeune acteur rondouillard,

au jeu plutôt correct mais pas extraordinaire. Femmes et couples sont violés, trucidés jusqu'au moment où il rencontre une jeune aveugle qu'il épargne enfin

et qu'il se fasse ensuite descendre à coups de mitraillette (rien que ça!) par on ne sait qui.
C'est le gros reproche que je ferais au film : une fin abrupte et insensée qui tombe comme un couperet injustifié. On a le sentiment que le scénario ne sait pas comment clore ce récit et a choisi cette fin prématurément, de manière un peu absurde, précipitée, dans une urgence non réfléchie et puis pour absolument livrer le serial killer à une fin aussi violente que son parcours. Sorte de morale à deux yens.


Au détour d'une scène on est juste cueilli par la poésie dans ce monde de brutes que Wakamatsu tient à insufler à son personnage monstrueux. Tout comme il semble ne pas concevoir un de ses films sans au moins une allusion politique à l'histoire de son pays.

Une rengaine wakamastienne qui ne m'étonne plus beaucoup.