2015
Mia Madre
Cinéaste: Nanni Moretti
Comédiens: Nanni Moretti - Margherita Buy - John Turturro
Notice SC
Notice Imdb
Vu en salle
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Difficile d'évoquer ce film sans
enfoncer la porte ouverte de l'émotion. Forcément avec un film sur
une maman qui meurt à petit feu, comment y échapper ?! Disons
plutôt que le mérite du film n'est pas juste d'émouvoir, mais de
le faire avec mesure.
Je ne sais pas si c'est une question de
douleur ou de pudeur, mais Nanni Moretti n'a pas joué son propre
rôle et a laissé une femme l'endosser. Margherita Buy joue donc une
réalisatrice en train de tourner et acceptant de plus en plus mal
l'état de santé préoccupant de sa mère hospitalisée.
Ce qui m'a plu dans ce film, c'est la
façon dont il aborde des questions existentielles, celles bien
entendu qui surpassent les autres à certains stades de la vie, en
forme de bilans pénibles, qui interrogent le sens de la vie et
surtout notre capacité à regarder de front la mort, la nôtre comme
celle de ceux qu'on aime. Le scénario pose ces questions plutôt
ouvertement, avec des personnages tous en difficulté dans leur vie.
Ce lien entre douleur de vivre et peur de mourir est très finement
observé, et pas uniquement grâce au personnage joué par Margherita Buy.
Nanni Moretti lui même joue le frère
d'abord solide en apparence mais évidemment tout aussi déboussolé
par cette mort. Chacun à son rythme, chacun avec ses propres
fêlures, chacun s'adaptant à sa propre angoisse.
Et bien entendu, John Turturro,
présenté dans un premier temps comme un acteur loufoque, diva
excentrique, comique mais dont l'activité cache aussi une
souffrance.
Tout le monde est de près ou de loin
dans une quête de sens, avec tout ce que cela signifie de conflits
intérieurs, de trouille existentielle et de lutte permanente contre
le monde, la société, les apparences, les affects, la
communication. Ce fatras qu'est l'existence est très bien dépeint
par le scénario avec suffisamment d'humour pour trouver de quoi se
dégager de la gangue de douleurs et de peurs, pas trop non plus pour
ne pas tomber dans le piège inverse, du divertissement aveuglant. La
poussière n'est pas cachée sous le tapis avec Moretti. Jamais du
reste, il faut savoir lui en rendre grâce.
Après, il y a la mise en scène de Moretti qui m'a beaucoup plu, des idées peut-être pas inédites
mais qui tombent à point, donnant du relief au récit ou bien
l'adoucissant. C'est souvent le cas dans ses films, Moretti parvient
à imposer une grande tendresse, ce qui est paradoxal parce que ce
type n'apparaît pas vraiment comme un tendre de prime abord, il
semble plutôt bourru. Il a un côté revêche, comme s'il retenait
en lui une certaine agressivité. Il doit y avoir quelque chose qui
se rapproche de ça, d'une agressivité qu'il s'évertue à
canaliser, voire à complètement étouffer, mais derrière cet
obstacle, au contraire, on sent une véritable délicatesse, beaucoup
d'indulgence, de philosophie affective pour ses personnages, leur
parcours. Et Mia Madre me confirme ce sentiment de moins en moins
confus que Nanni Moretti est un vrai tendre, avec quelques démons
intérieurs bien matés, profondément enfouis dont on ne devine que
quelques centimètres de bouts de queues par moments.
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