mercredi 2 septembre 2015

Rotonde du glacier de l'opéra Garnier



1889

Auteur: Georges Clairin

Visites de l'opéra Garnier
Notice Georges Clairin



Au moment de l'inauguration de l'opéra Garnier, le salon du glacier n'était pas encore achevé. Charles Garnier lui même eut ces mots qui sonnent aujourd'hui injustes : "Sauf les peintures artistiques ou décoratives, cette galerie offrira assez peu d’intérêt…" Il avait dessiné cet espace d'agrément destiné à recevoir des invités lors des entractes et à rafraîchir tout ce petit monde.

Comme les tapisseries des Gobelins qui s'y trouvent l'illustrent parfaitement, il était surtout question de boissons alcoolisées pour la plupart (mais pas seulement : le café était alors très couru) propices à désinhiber les plus froides constitutions. De fait toutes ces agapes étaient censées laisser espérer un avenir paradisiaque et qui sait, pas si artificiel, comme le plafond peint par Georges Clairin le suggère avec insistance : une bacchanale pleine d’appétissantes créatures livrées à Dieu sait quelles cochoncetés de la part des faunes et autres créatures à poils.

D'habitude je ne suis pas spécialement attiré par le style de Georges Clairin, ni rebuté à l'excès non plus. Pour une fois, ce plafond m'a charmé. J'ai eu plaisir à me noyer dans le rose tendre du ciel et ces échanges avec un bleu effacé, ouateux, presque blanc. Cette richesse dans les nuances m'a beaucoup plu.

Je ne suis pas très friand toutefois de ses nus féminins. Ils devraient être beaux, ils ne sont au mieux que légèrement sensuels. Je ne sais si c'est la pose ou bien le trait, la composition des corps me tarabuste l'œil. Ces demoiselles manquent de naturel par endroits.

Au contraire, les anges et démons sont paradoxalement plus proches d'un certain réalisme, plus abouti me semble-t-il. M'enfin, je ne suis pas expert, ce n'est qu'un vague sentiment personnel. Toujours est-il que l'ensemble du lieu est assez bien fait et le plafond y joue certainement un rôle majeur. Pas évident pour moi de traiter du plafond seul, mais il me faut être cohérent et aller au bout de ma démarche. J'ai bel et bien eu les yeux collés à la voûte, plus que de raison, lors de la visite de cet opéra. Ce n'est pas par hasard.

Si je devais signaler une partie de cette œuvre plus qu'une autre, qui a davantage attiré mon attention, c'est vers le duo ange/démon que je me tournerais. Certes, l'association dans l'espace du mal et du bien n'a rien d'original, je vous le concède. Mais remarquez le bel ajustement, la bonne balance des tons. Les lignes forment une trajectoire facilitant la lecture de manière toute naturelle. Le couple paraît presque parfait.

J'ai un peu également cette sensation d'accouplement, si je puis dire sans malice, "idéal" avec le faune accroupi devant une blonde et blanche créature aux seins fiers et dardants. Les deux visages ne font pas que se regarder, ils appellent le baiser, se dévorent déjà. La distance encore grande entre ces deux-là n'aura vraisemblablement qu'une durée de vie très limitée. Incessamment sous peu, il va y avoir contact. Ceux-là aussi sont, comme l'ange et le démon, adorables. Fi de la subversion de la nature qui pourrait être invoquée, seul le geste et l'élan légitiment ce désir.

Il y aurait beaucoup à dire sur l'opéra de Paris. Si je dois résumer, je dirais : "courez-y, prenez votre temps, les espaces sont vastes et parfois surprenants, dans le sublime".

Cette rotonde du glacier n'est peut-être pas ce qui impressionne le plus, je l'admets, mais justement, sa modestie de prime abord ne doit pas nous leurrer. Elle révèle elle aussi ses petites merveilles qui peuvent vous ébahir et vous laisser pantois d'admiration, aussi bien que le plafond de Chagall.

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