vendredi 29 août 2014

Bijou épingle René Lalique


Fin XIXe - début XXe

Bijou épingle

Artiste: René Lalique



De ma visite au musée d'Orsay, je retire quelques agréables moments, de petites ou grandes surprises et beaucoup de frustration. Je profite de cet article sur une oeuvre de Lalique pour chouiner et houspiller la politique d'Orsay, car il m’apparaît tout à fait représentatif de cette calamité tellement à côté de la plaque et du temps. A l'heure des portables, qu'on en soit encore là me parait inquiétant pour la muséographie française.

Comme au musée Fabre, la politique du musée d'Orsay est feignante et ne respecte pas la relation fondamentale d'appropriation de l'oeuvre par le public. Il est interdit de photographier quoique ce soit. Même sans flash!

La photo avec flash est une hérésie, tout le monde est d'accord là-dessus : d'aucune utilité visuelle, elle emmerde tout le monde, détériore l'atmosphère et le travail scénographique des lumières, elle abîme peut-être les œuvres picturales.
Mais la photo sans flash? Un guide nous a fait la confidence que c'était une solution de facilité, qu'ils en avaient eu marre de demander aux imbéciles de ne plus utiliser leur flash. Pour la bêtise d'une poignée de connards, l'immense majorité des amateurs d'art se voient interdire d'immortaliser les petits détails qui les interpellent. Le public est donc relégué au rang d'une classe d'écoliers collée parce qu'un camarade a posé un coussin péteur sur le siège de l'instit. Que ce public paye sa visite n'entre pas en ligne de compte à ce stade du raisonnement semble-t-il. Il convient d'au moins s'en étonner, non?

Les amateurs n'auront donc que le souvenir général de l'oeuvre, sauf s'ils sont comme moi doué d'une mémoire de poulpe sénile. Pour moi, une oeuvre s'admire et ré-admire, encore, toujours. Comme un film, une sculpture, une toile, n'importe quelle oeuvre d'art raconte une histoire.

On nous autorise à enregistrer un film qui passe à la télé, mais on nous refuse ce droit au musée d'Orsay. Je n'en finirai jamais de pester devant cette ineptie, produit de la paresse d'Orsay. Si seulement il y avait une possibilité d'avoir des reproductions détaillées à la sortie, mais non seulement les cartes postales sont rares, mais elles coûtent une blinde. Là pour le coup, on peut se demander si l'ambition mercantile du musée pourrait expliquer l'empressement à frustrer les spectateurs.

Et ces épingles de René Lalique, verrier dont l'oeuvre n'est pas suffisamment exposée et célébrée par l'édition française à mon goût, sont un exemple manifeste de ces œuvres sublimes qui même sur internet sont difficiles à retrouver. Il m'a fallu trifouiller sur le net pour dégoter deux malheureuses images, petit format, aux résolutions merdiques et qui auront bien du mal à illustrer le travail minutieux et inventif, si fin de René Lalique. C'est injuste pour le public et pour l'artiste que ce bijou soit si mal mis en lumière en dehors du musée.

Et vous pourrez toujours aller chercher des concepts aussi vaseux et médiocres que celui de l'auto-réification de Günther Anders à propos de la pratique de la photographie, cela ne changera rien au fait qu'une oeuvre vit aussi au-delà d'elle même, de l'objet-créature de l'artiste. Non, une photo n'est pas un "fantôme", c'est un extrait, une parcelle, une clé pour ouvrir éventuellement la porte vers l'oeuvre réelle. Un fantôme, c'est mort et irréel, une illusion, c'est faux et sans lien avec le réel. Une photo d'une oeuvre n'est pas morte, ni irréelle. Elle est une représentation. Ou alors toute oeuvre d'art est un fantôme mort, destiné à nous rendre objet et donc aveugle de notre propre mort (je schématise la pensée d'Ander, mais la sienne est tout autant un schème approximatif). Même ces bijoux épingles de René Lalique ne sont pas de véritables fleurs de carotte.

Ce qui est réellement concret, c'est le formidable travail d'orfèvre du concepteur de tels objets, qui a su recréer l'illusion de la fleur et surtout la finesse, la précision naturaliste, l'extrême légèreté, cristalline qui semble s'en dégager, l'admirable structure et agencement naturel de l'ensemble qui provoque une émotion où se mêle admiration et mystère.

Qu'on soit face à l'objet réel ou une photo ne suffit pas à décider de l'être ontologique d'un spectateur, faut arrêter de prendre les gens pour des cons! Une photo de cet objet illusoire représente un medium, une empreinte incomplète, mais tout à fait réelle de cet objet, trace approximative certes, en deux dimensions uniquement, mais suffisante pour donner une idée de la réalité de l'objet. Certes, elle n'en donne pas l'idée complète qu'on peut se faire quand on est face à l'objet lui même, mais cela ne peut en aucun cas limiter celui qui admire la photo à une chose qui fuit la réalité. Celui qui est face à une photo sait pertinemment qu'il n'est pas face à l'objet réel, ce qui échappe à l'entendement de Günther Anders et de la direction du musée d'Orsay. Regrettable. Dorénavant, je réfléchirai à deux fois avant de remettre les pieds dans ce musée. C'est triste, ces "musées one-shot"!

En attendant, ce qu'a apporté René Lalique à l'Art nouveau et à l'Art déco est d'une richesse qui me semble pas assez exploitée, tellement considérable. On devrait pouvoir lire pleins de bouquins sur ce génie. Je ne comprends pas le gouffre d'oubli dans lequel lui et ses confrères ont été laissés pendant tant d'années.
Si vous avez l'occasion de voir une de ces œuvres n'hésitez pas. Plein les yeux!

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