1982
Cinéaste:Claude Chabrol
Comédiens:François Cluzet - Charles Aznavour -Michel Serrault - Aurore Clément - Monique Chaumette -Mario David
Notice Imdb
Vu en dvd
Combien de fois ai-je vu ce film? Ce qui me laisse toujours pantois, c'est le fait qu'il ne m'ait jamais déçu. Sans doute mon Chabrol préféré.
Ces "fantômes du chapelier" exercent encore une fascination toute entière axée sur la composition hors norme de Michel Serrault et l'étrange relation que dépeint Chabrol entre son personnage et celui de Charles Aznavour. Michel Serrault est tout bonnement prodigieux dans ce rôle de fou furieux.
Balloté par le souvenir d'une épouse acariâtre, ses troubles vis à vis de la gente féminine, ses pulsions meurtrières et son plaisir à manipuler le faible Kachoudas (Aznavour), ce chapelier est sujet à bien des émotions, ressentis comme des coups d'une violence qui effleure par moments comme des spasmes, des éclairs effrayants. Léon Labbé (Serrault) explose parfois, murant son personnage dans un monde intérieur riche en explosions de violence. Il éclate, se reprend.
Entre l'intimité de la chambre conjugale où il monologue son délire, seul avec ses fantômes et le vernis glacé de la notabilité provinciale dont il se pare chaque jour au comptoir de son atelier comme à la table du café où il ne partage que l'apparence de l'amitié dans les sempiternelles et impersonnelles parties de carte avec ses faux amis, Léon Labbé passe son temps à jouer double jeu, à cacher la réalité de son existence : la peur, l'indicible peur qui le malmène tout le temps, la peur de souffrir, mais également l'incapacité de vivre dans la norme, comme Kachoudas ou les notables qu'il croit ses congénères.
Film sur le maquillage social, dés le début il apparait évident que Claude Chabrol va l'utiliser pour lâcher quelques gifles à la face de cette bourgeoisie boursouflée de certitudes, d'hypocrisie malsaine et de faux semblants. Chabrol s'en est fait une spécialité. C'est sa marotte, une antienne qu'il répète de film en film, comme un gag dont il se nourrit sans cesse, un fondement en somme. Les notables d'une petite bourgade de province ont construit leur position sociale sur l'argent d'une part mais aussi sur une image de probité morale et Chabrol entend démontrer toute la fausseté d'un tel argument, avec cet humour pince sans rire qu'on lui connait.
La synthèse du film est sans doute à trouver dans ces singeries auxquelles Serrault se livre sur Aznavour, ce rendez-vous quotidien mais étrange entre les deux hommes, un jeu du chat Serrault auquel la souris Aznavour se plie volontiers par peur également mais par humiliation quotidienne. A chaque classe sociale sa hantise. La sienne lui fait redouter de ne pas s'intégrer, de devoir fuir encore et toujours.
Car le film, sous ses airs de comédie noire, est d'abord et essentiellement une tragédie sociale, d'un pessimisme viscéral, avec de la bile, de l'acide tout dedans qui ronge. Aussi, le coup porte-t-il, car la bourgeoisie n'est pas seule responsable de son mensonge, les petites gens en sont les témoins consentants, afin d'éviter tant que faire se peut les foudres du qu'en-dira-t-on, les bouleversements du quotidien tranquille. La route doit rester droite pour toute la société, de bas en haut.
Ai-je oublié de préciser que ce conte gangréné nous vient de Georges Simenon, un écrivain majeur à qui je voue une adoration sans borne, capable de construire un récit d'une richesse incroyable et porté par des personnages à la densité inouïe telle qu'on s'imagine être au cœur du vrai et non dans le fruit de l'imagination d'un homme? Non, Georges Simenon n'est pas un homme, c'est un génie!
Même si le dvd n'est pas d'une très belle facture, il laisse deviner le travail de Jean Rabier sur la photographie, sombre, verte et bleue, mais surtout grisâtre. Cette ville et ces ruelles aux pavais luisants, ses murs gris noir suintent ce mal-être que Chabrol veut dépeindre.
Alors je suis cette histoire tellement glauque, ces personnages aliénés, cette moiteur malsaine, avec un regard inquiet mais suffisamment distancié pour apprécier le jeu inventif et génial de Michel Serrault, habité par la faiblesse de monsieur Labbé. On y décèle le plaisir de l'acteur ; on y devine les accents improvisés.
Face à lui, quelques têtes plus ou moins connues lui donnent la réplique avec bonheur. Aurore Clément
joue un personnage très étrange, avec une tonalité difficilement lisible, inquiétante également. Que dire de la face enfantine et ce regard de chien battu que nous présente Charles Aznavour, éperdument reconnaissant à monsieur Labbé d'être son voisin, vouant à son maître une sorte d'admiration ahurie un peu masochiste. Il fait son travail avec une belle rigueur, même si le rôle n'a pas l'air très exigeant.
Par bien des aspects, la relation que Kachoudas noue avec Labbé rappelle celle que décrit "Le beau Serge" et sans doute même plus "Les cousins" du même auteur. Les rapports de domination au sein d'une société cadenassée par les habitudes et les apparences semblent être l'obsession de Claude Chabrol. Et c'est un vrai plaisir cinéphile que de voir avec quelle facilité le cinéaste parvient à broder des histoires différentes sur ce même thème tout au long de sa carrière.Trombi:
Monique Chaumette:
François Cluzet:
Isabelle Sadoyan:
Bernard Dumaine (droite):
Mario David:
Victor Garrivier:
Christine Paolini:
Jean-Claude Bouillaud:
Jean Leuvrais et Robert Party:
Nathalie Hayat:
Fabrice Ploquin
?:
Oui, le gamin à casquette est bien Fabrice Ploquin.
RépondreSupprimerMerci pour la confirmation.
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