vendredi 28 août 2015

Paysage avec la fuite en Egypte



1602-1604

Titre original: Paesaggio con la fuga in Egitto
Titre francophone: Paysage avec la fuite en Egypte
Titre francophone: La fuite en Egypte

Auteur: Annibale Carracci

Site de la Galerie Doria Pamphilj, Rome
Notice Annibale Carracci


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Dans un autre genre que sa "Suzanne et les vieillards", bien qu'on reste dans l'histoire religieuse, on découvre un charmant petit tableau sur toile du même auteur : Annibale Carracci. Il y a pas mal de ses œuvres dans la collection au Palais Doria Pamphilj de Rome.

Celui-ci est adorable. Par ses dimensions et surtout par l'infinité de petits détails qu'il recèle. Plus encore peut-être, je me demande si cet Annibale n'est pas un gros farceur, ou dans une moindre mesure, quelqu'un doué d'un certain sens de l'humour, un espiègle esprit qui aime aussi jouer avec son art et le regard de l'observateur.

En effet, a priori, on est face à un paysage banal, comme il s'en est peint des pelletées de tout temps. Au milieu de ce spectacle champêtre, plutôt vert, à la végétation parfois dense, où trône, assise sur une colline, une ville fortifiée, sous un grand ciel nuageux, on aperçoit au premier plan un drôle d'équipage : une femme portant un bambin et un vieux barbu guidant un âne à la sortie d'un guet. Quel est donc le sujet ? On ne sait trop devant le choix : la ville, la forêt, la femme, le vieillard? On regarde de plus près et on distingue un paysan avec son troupeau de vaches, un autre avec des moutons, un pêcheur sur sa barque. Au loin il y a même un cavalier isolé.

Qu'est-ce que c'est que ce foutoir? Mais sî l'on regarde d'encore plus près, on se rend compte que la dame arbore une auréole au dessus du crâne (pffff : pour ceux qui pensaient "sous les bras"). La vierge donc. Mais de quoi s'agit-il au juste? Que fait-elle avec le petit Jésus ? C'est donc Joseph qui mène l'âne ? Et c'est d'encore plus près avec le bout du nez chatouillé par la toile que l'on voit dans le paysage lointain une caravane de dromadaires. Bon sang, mais c'est bien sûr : la fuite en Égypte !

J'ai dit et répété ici mon appétit vorace pour les thèmes classiques en peinture qui permettent de distinguer les personnalités et l'art des peintres qui s'y collent, de voir comment ils s'approprient le sujet par rapport aux autres. Il y a là une sorte de rendez-vous avec l'histoire, un enjeu personnel pour le peintre, un risque, qui peut exciter comme décevoir.

Et j'aime vraiment le parti-pris d'Annibale Carracci, son ingéniosité, sa hardiesse. Au-delà même de son aisance picturale à engraisser sa toile à force d'y poser mille détails. Alors que sur ce thème beaucoup ont préféré mettre en exergue la sainte famille, leur fuite, leur détresse, Carracci se concentre sur le paysage. Je ne sais comment a été accueillie cette proposition. Je suppose que d'aucuns l'ont peut-être trouvée humiliante, mais que d'autres ont pu apprécié le fait que l'événement lui même soit associé à la vie quotidienne campagnarde, et qu'ainsi ces personnages sacrés puissent bénéficier une image toute simple, naturelle et réaliste. On parlerait aujourd'hui de proximité.

En ce qui me concerne, ça fonctionne plutôt bien. La sainte famille apparaît effectivement plus humaine, certes, mais cela n'est pas du tout dérangeant, bien au contraire ! En somme, l'entourloupette du peintre me ravit car elle fait montre d'une gentille délicatesse dans sa provocation, et puis la mise en place des différents éléments est maîtrisée, suggérant un équilibre très agréable.

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