dimanche 6 janvier 2013

Assurance sur la mort



1944

Titre original : Double indemnity
Alias: Assurance sur la mort

Cinéaste: Billy Wilder
Comédiens: Fred MacMurray - Barbara Stanwyck - Edward G. Robinson

Notice Imdb
Notice SC

Vu en dvd





Nouvelle critique :

Film noir par excellence, dès le début du film, Walter, le héros joué par
Fred MacMurray, résume la tragédie du film noir : il nous révèle qu'il a tué un homme pour de l'argent et l'amour d'une femme, et il n'a eu ni l'argent, ni la femme. Tout est dit. De plus, son discours nous promet donc un flashback, structure ô combien "noir". En quelques minutes, les dialogues et le récit nous mettent devant une merveilleuse évidence qui ne sera pas gâchée par la suite : un classique du genre se déroule sous nos yeux.

Tous les ingrédients sont bel et bien là. Double jeu, trahison, argent, enquête, suspense, destin funeste, blonde sensuelle, femme fatale, etc. Raymond Chandler et Billy Wilder au scénario nous ont concocté une histoire bien piégeuse, aux petits oignons et qui trace une route pourtant bien rectiligne. Il n'y a finalement aucune réelle surprise. Comme dans tout bon film noir, on sait pertinemment d'entrée que ça foire. Ce qui nous intrigue, c'est le cheminement de l'échec, qui amène Walter à pisser le sang et à avouer un meurtre à son collègue. C'est tout le parfum délicat de cette trame que les auteurs nous mettent sous le nez. Après les yeux, le nez, oui, un film noir se déguste physiquement, il ne montre que ça : les ombres dessinent les silhouettes, tranchent les visages, les corps des héros sont malmenés, par leurs désirs d'abord puis par la punition de l'ordure de destin qui préside... toujours faux-jeton celui-là!

On est là, spectateur, dedans jusqu'au cou. Walter s'enlise et nous avec. Nous connaissons son sort, nous le partageons, nous le voyons s'enferrer dans cette sordide histoire de cul. Ce n'est pas vraiment moral au fond. Certes, on peut s'attirer des emmerdes à penser avec sa bite, mais les bonnes et honnêtes gens souffrent aussi, ici c'est la petite Lola (Jean Heather) qui trinque, son père également. Non, l'indécrottable et funeste destin l'est pour tous les personnages dans un film noir. Personne n'est sauvé. Le monde est sale. Tout le monde y perd. Amen. Et finalement, le public suit cette descente en enfer qui ne trouve aucun salut, même dans la mort, avec un plaisir confondant d'ingénuité. Comme des gamins qui aiment à se faire peur. Il y a de ça, oui, dans le noir.

Et puis, merde, difficile de faire la morale à Fred MacMurray! Il faut concéder que Barbara Stanwyck use d'armes massives. Elle n'y va pas avec le dos de la cuillère! Elle joue à merveille la jeune femme éplorée, délaissée par son mari, en mal d'amour. A coup de chainette de cheville et de soutif apparent, et puis sa blondeur a de quoi incendier n'importe quelle braguette, dissipant du même coup toutes les barrières rationnelles. Puissante et cynique, elle manipule ce pourtant futé d'assureur, en deux coups de cuillères à pot (qu'est-ce que c'est que toutes ces cuillères, bordel?).


Ce charme avait de quoi "plomber" un scénario, le rendre indigeste, grossier, irréaliste ou outré, mal foutu en tout cas, hé bien, celui-là balaie ces écueils avec une maestria tout à fait époustouflante. La fluidité du récit, l'enchainement des situations se font avec un naturel et une cohérence en tout point remarquables. Le film coule de source.

Et pourtant, de façon inexplicable, je n'en ferais pas mon film noir préféré, ni mon
Billy Wilder favori. J'adore Barbara Stanwyck, une grande dame, mais je la trouve beaucoup plus impressionnante dans bien d'autres films. Fred MacMurray ne me parait coller parfaitement au personnage. Tous deux sont beaucoup plus marquants dans des rôles où leur sobriété fait merveille. Ici, il leur faut incarner des archétypes très balisés. Le cliché est obligatoire. Ils le font bien, même mieux que bien, à n'en pas douter, seulement... je les préfère dans des tonalités plus réalistes. Erreurs de casting? J'ai beau avoir pour Barbara Stanwyck une admiration sans borne, j'ai comme envie de répondre par l'affirmative. Elle est quand même foutrement bonne... mais quelque chose me retient. Soit, passons...

En tout cas, une chose est sûre : pas d'erreur avec Edward G. Robinson! Il semble prendre un malin plaisir à jouer les grands malins, à pestiférer, à faire la gueule. Une grande malice se dégage de ses petits yeux. On a même la nette impression que Fred MacMurray ne joue pas avec lui, mais qu'il l'admire. Que je le comprends : c'est à un véritable festival Robinsonien que l'on est convié. Grand spectacle!

Pour le reste, le travail de John F. Seitz est une nouvelle fois transcendant. La photographie joue naturellement sur les ombres et les lumières d'un LA plus nocturne et pluvieux que jamais. La musique de Miklós Rózsa, dont je ne suis pas spécialement friand d'habitude, me plait assez, collant bien avec la trajectoire poisseuse de Walter.

Ce film est un très bel objet. et même si je ne l'adore pas, je lui trouve une sacrée foutue belle gueule. Encore une fois, il s'est révélé impossible de rester insensible au charme du cinéma de Billy Wilder. Ce type est un magicien.

Critique d'aout 2007 :

Mes lectures diverses sur le film noir, genre qui m'enthousiasme, m'ont tellement rabâché que ce film était un des plus grands, je ne peux m'empêcher d'avoir un léger goût de déception. Sans que cela soit non plus une grande déception, loin de là, le film livre pléthore de points excitants, mais c'est juste que je m'attendais à une grande claque et que je me suis juste fait souffleter, ce qui est déjà bien agréable pour un cinéphage.

Commençons par pointer ce qui ne m'a pas donné le grand frisson. En premier lieu, je désignerais volontiers
Barbara Stanwyck dont le charisme m'échappe quelque peu, avouerais-je avec honte. Mais pourtant je n'irais pas jusqu'à lui faire le reproche d'être mauvaise, non, elle fait une garce, classe number one, avec justesse c'est à dire pour le genre avec l'aspérité, la classe qui convient, mais j'en aurais bien vu d'autres plus envoûtantes. Pas grave, mais la vitesse à laquelle McMurray tombe en pâmoison m'échappe un peu. Encore que la bracelet de cheville suffirait à expliquer bien des choses...

En parlant de McMurray, il n'est pas non plus le gros loup espéré. Ou par intermittences. Lui manquent quelques griffures, quelque chose qui dépasse, des plaies mal cicatrisées.

Autre sujet de légère déception, la lumière. Après récemment avoir pris en pleine poire le travail sur les lumières dans Les tueurs, celles-ci semblent un peu en deçà de celles du Siodmack. M'enfin, restent quand même quelques séquences obscures des plus érectiles ou bien le jeu des lumières à travers les stores vénitiens, miam miam 2.

Pour ce qui est des points positifs, on pourrait quasiment reprendre les mêmes éléments négatifs, louer leurs qualités essentielles et oublier les quelques légers reproches que j'ai exprimé.

Mais le plus simple est de dresser une stèle commémorative pour le gigantesque petit bonhomme qu'est Edward G. Robinson et qui me sidère de sa classe pure, un acteur brut, une aura exceptionnelle, comment? Je l'adore? Je l'adule! Encore un dont on boit les paroles, dont on sirote le parler cadencé, juste, équilibré, une respiration plus qu'un discours et puis pour parler d'aspérités, en voilà un zigoto qui en a à la pelle. Redécouvert dans Key Largo y a pas si longtemps j'ai pris je crois toute la mesure de son coffre dans Tales of Manhattan, avec un sketch porté par lui de toute sa puissance. Ici encore il vampirise ses scènes par des apparitions impeccables d'exactitude. Son personnage n'est pas seulement le faire-valoir de Neff; il illumine les scènes et apporte au film toute sa truculence.

A ce propos, soulignons également celle que Wilder et Chandler inocule dans leur récit. Les jeux de mots et autres métaphores se jouant de la censure, tout en film-noirité hardie ont fait mon régal. Le fatalisme ambiant propre au genre est encore plus étouffant, pesant et donne une fièvre particulière aux personnages, surtout Neff évidemment. La mise en scène maitrise parfaitement cet aspect stylistique. C'en est un vrai délice-frisson qui parcourt l'échine par moments.

Le scénario est superbement ciselé. La tension monte doucement pour ne plus laisser le spectateur reprendre son souffle. Intelligent, le flash-back est utilisé avec brio.

Trombi:
Jean Heather:

Porter Hall:

 Tom Powers:

Byron Barr:

Richard Gaines:

 Fortunio Bonanova:

 Betty Farrington:

2 commentaires:

  1. et vos arrêts sur image rendent justice à la superbe photo

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  2. C'est à Carlotta qu'on doit rendre justice. Le dvd est d'assez belle tenue. Par contre, une restauration et un Blu Ray dignes du film seraient bienvenus.

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