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lundi 10 novembre 2014

Saint Laurent



2014

Cinéaste: Bertrand Bonello
Comédiens: Gaspard Ulliel - Jérémie Renier - Léa SeydouxLouis Garrel - Helmut Berger

Notice SC
Notice Imdb
Critique de Jack Sullivan

Vu en salle




La bande-annonce reprend un travelling qui dans le film est répété une fois, confirmant le dialogue muet entre deux hommes. Ce petit travelling tout bête, tout simple, tout ce qu'il y a de plus classique introduit le film dans les meilleures dispositions. Du moins en ce qui me concerne, ce petit effet de mise en scène titille. À y regarder de près ce n'est pas tant le travelling que sa conclusion, cet homme seul, en bout de ligne, ligne de fuite de ce lent travelling qui nous a montré la cohue, l'effervescence, la fête, la danse, le plaisir de vivre. Cet homme est seul, aux marges. Il côtoie la joie, sans la vivre réellement. Il m'a suffi de ça pour avoir envie de voir ce film.

Pour le reste, rien ne m'y invitait. Je n'aime pas la mode, ni son milieu, ni ses créateurs, ni son histoire, rien ne m'y rattache. Je ne connaissais Yves Saint Laurent que de loin, des images, des personnes comme Pierre Bergé, omniprésent dans les médias à l'occasion de la sortie des deux films sur son compagnon. Je n'ai pas eu une envie impérieuse de voir le film de Jalil Lespert, encore que la présence de Guillaume Gallienne est alléchante.

Celui de Bertrand Bonelloo un peu plus parce que d'abord le cinéaste m'intrigue. Dans ses thématiques abordées, dans ses interviews, dans sa manière de parler de cinéma, il y a une promesse d'enrichissement. Ce travelling a fini de me convaincre d'aller voir ce film. C'est à peu de choses près le même "parcours d'envie" qu'a emprunté ma femme. Du coup, on est allé ensemble à l'Utopia, main dans la main. Et on a dans l'ensemble bien aimé. Je crois bien que le film mûrit encore mieux en elle, faisant surgir des trucs qui la touchent davantage. Quoiqu'il en soit, je partage ses ressentis. Il arrive qu'on soit cinématographiquement parlant à l'unisson. C'est rare que cela soit à ce point : j'aurais pratiquement pu signer sa bafouille sur le film.

J'ai vraiment pris plaisir à suivre la trame et la façon dont le scénario bâtit son récit. Oh, il me faut mettre un bémol d'entrée avec la dernière partie qui me paraît un peu redondante, du moins plus vraiment utile. Toute la partie avec Helmut Berger me semble une gourmandise de cinéphile pour lier l'enfermement de Saint Laurent à celui des Damnés de Luchino Visconti, à moins que soit à Visconti lui même ou bien encore à l'ambiance de dégénérescence, de fin de règne aristocratique du film? Se justifiant par l'image de "dernier" dans laquelle Saint Laurent se pare à la fin? Cela peut s'entendre aussi comme la souffrance d'un homme qui a vécu sa vie, son œuvre comme un difficile moment à passer, comme un sacerdoce en attendant la mort, afin d'éviter la neurasthénie, afin de ne pas vivre avec soi même. Mais tout cela on l'a déjà saisi bien avant. Je maintiens qu'il y a redite. Peu importe après tout, cela n'apportait pas grand chose de décisif. Pire, cela alourdit un chouïa : le symptôme "film qui dure trop longtemps".

Je crois que cette demi-heure de trop est le seul reproche que je pourrais faire au film qui, sans cela, est bien balancé, formidable de lisibilité malgré une structure complexe sur le plan chronologique (Bonello n'est pas avare en flashbacks). La plupart des scènes sont cohérentes, nous apprennent quelque chose du personnage, de ses douleurs et ses espoirs. Une séquence comme celle qui voit Valeria Bruni Tedeschi être métamorphosée par Saint Laurent est très bien écrite. Elle pourrait paraître trop anecdotique, superfétatoire, mais en l'occurrence en peu de temps, elle montre bien une facette de la personnalité du créateur : sa capacité à transcender la féminité et par là, à libérer la femme. Pas moins! Avec peu, sinon rien, un œil averti, une imagination, une sensibilité qui ont pu marquer son époque, ce que les jeux de mise en scène entre défilés et images d'archives montrent de manière judicieuse par ailleurs.

Souvent au cours de la séance j'ai oublié la mise en scène. Ce n'est qu'après que j'ai relevé sa simplicité et son intelligence. C'est heureux direz-vous. Oui, c'est le propre de l'efficacité : voilà le terme qui me semble le mieux correspondre pour décrire la réalisation de Bertrand Bonello.

Avec de bons acteurs qui plus est! Mentions spéciales à Gaspard Ulliel et Jérémie Renier bien entendu, ce film paraît bien fichu. On voit encore parfois la pensée qui a présidé à l'élaboration de la créature, mais ce n'est pas gênant. J'ai apprécié la balade dans un monde qui m'était étranger, dans une période qui m'a vu naître et qui est fort bien dépeinte.

Sur ce dernier point, les choix musicaux d'accompagnement me parlent évidemment. Ça aussi, c'est très agréable de découvrir un film dont la musique est en parfaite adéquation avec le propos. Mise en scène, mise en image, direction d'acteurs, mise en musique, Saint Laurent est un joli cadeau, pack-découverte de luxe !

Mini trombi:
Léa SeydouxGaspard Ulliel et Aymeline Valade:

Louis Garrel:

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