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mercredi 16 septembre 2015

Berlin Alexanderplatz



1980

Réalisateur: Rainer Werner Fassbinder
Comédiens: Günter Lamprecht - Hanna Schygulla -

Notice SC
Notice Imdb

Vu en dvd



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Voilà une série pas toujours évidente à suivre : du Fassbinderr tout craché ! Certaines séquences sont assez nébuleuses. On ne comprend pas toujours ce à quoi Franz Biberkopf, le personnage central, fait allusion, s'il s'agit de Döblin ou de Fassbinder qui tire les ficelles d'un récit compliqué, si l'on n'a pas les clefs culturelles ou intellectuelles nécessaires, ou bien si le récit n'est pas truffé de chausses-trappes pour mieux retranscrire la confusion mentale du personnage.

Mais à la fin, c'est toujours Fassbinder qui gagne. Je m'explique : chez lui, il y a souvent une première facette de ce qu'il raconte. Son histoire paraît ésotérique. On a l'impression d'être largué, qu'il faut être un initié pour comprendre ce que disent et vivent les personnages. Cependant, il y a très souvent une solution en dernier lieu. C'est d'autant plus fort que Fassbinder adopte une mise en scène baroque, voire excentrique. Ensuite, les nuages se dissipent peu à peu. Les pièces du puzzle trouvent plus ou moins leur place et on applaudit le chef Fassbinder qui a réussi encore une fois à retomber sur ses pattes.

Je n'ai pas lu le roman de Alfred Döblin. Par conséquent, je ne sais quelle est sa part de responsabilité dans l'opacité de cette histoire, si Fassbinder en rajoute ou pas. Il n'en demeure pas moins vrai, pour être tout à fait honnête que cette série n'est pas à mettre entre tous les yeux. Malgré la linéarité du récit, ce dernier n'est pas toujours très lisible. Je ne conseille pas Berlin Alexanderplatz pour découvrir Fassbinder. La série est difficile.

Par contre, pour ceux qui sont déjà entrés dans l'univers du cinéaste allemand et sa façon iconoclaste de raconter une histoire, il me paraît indispensable de s'y coller. L'œuvre est forte, très riche. Sa puissance émotionnelle finit par passer au-dessus de la parure formelle et intellectuelle : elle envahit tout.

Les acteurs sont extraordinaires. Les deux plus saillants chez les hommes sont bien entendu Günter Lamprecht (Franz) et Gottfried John (Reinhold). Ce dernier a un personnage difficile à tenir sur la distance sans déborder. Il est toxique, compliqué entre lâcheté, violence, refoulements. L'acteur est admirable de sûreté et surtout de précision. Fine et sûre, son incarnation brillante fait des miracles, j'adore.

Les partenaires féminines de ces messieurs ne sont pas en reste, question talent, notamment Barbara Sukowa
(Mieze). L'actrice réussit à garder une crédibilité avec un personnage qui aurait pu rater ses virages à plusieurs reprises. Elle aussi livre une prestation remarquable. Je pourrais en citer beaucoup d'autres : la série est longue, les personnages nombreux. Ces trois-là sont ceux qui m'ont le plus impressionné.

Günter Lamprecht
bien entendu, le héros principal, a un rôle incroyablement complexe. Son personnage, proxénète, sort de prison, se jure de ne plus vivre des femmes, de ne plus avoir d'activité malhonnête. Son serment est aussitôt mis à l'épreuve. Son espoir de vivre dans un monde pur est à maintes reprises déçu. Dans l'Allemagne en crise des années 20, la déliquescence morale si chère à Fassbinder exacerbe les comportements qui vont agresser ce gros bonhomme naïf et apeuré. Le comédien porte sur lui tout le poids de ces thèmes qu'abordent les différents épisodes. Petit à petit, Franz subit les défaites, les trahisons, les crises existentielles, les chagrins d'amour, les espoirs étouffés, la crise économique et politique en fond, avec l'amertume de cette guerre perdue, la désillusion de plus en plus évidente que le bonheur n'est plus à la portée de toutes les bourses ni de toutes les âmes, tout cet enchevêtrement de calamités s'accumule sur le pauvre Franz et le pousse dans ses derniers retranchements. J'ai du mal à imaginer la masse de travail, d'investissement qu'un tel personnage a dû exiger pour les comédiens, je les admire.

Je remarque toutefois que cette revoyure ne m'a pas touché comme la première fois. A la fin de mon premier visionnage, il y a 4 ou 5 ans, j'étais très enthousiaste. Cette année, ma lecture a été beaucoup plus laborieuse. J'ai mis énormément de temps pour finir la série. Cette fois-ci, je crois que connaissant à peu près l'histoire, sachant à quoi m'attendre, je m'étais comme investi de la mission, de façon plus ou moins consciente, de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de cette histoire, d'approfondir mon analyse (il est vrai très fruste la première fois). Or, j'ai une nouvelle fois eu le sentiment d'être limité dans mes capacités à comprendre précisément toutes les subtilités des relations entre les personnages. Ma foutue obsession à vouloir comprendre a été encore battue, archi battue par la complexité du scénario. Je suis trop handicapé soit par le fait de ne pas avoir lu le roman initial, soit par l'habileté de Fassbinder à rendre encore plus abscons le récit, soit enfin par des insuffisances intellectuelles et émotionnelles qui m'empêchent d'accéder aux subtilités de l'écriture (il ne faut pas se voiler la face : c'est une explication bien tentante).

Néanmoins, malgré ce petit goût de frustration amère au fond de la bouche, j'estime avoir pris un certain plaisir à me colleter de nouveau à cette série : grâce aux acteurs fort épatants, grâce à Franz Biberkopf, un personnage monumental, difficile à appréhender mais attachant, grâce à des moments riches tant du point de vue philosophique, voire métaphysique qu'à l'échelle plus terre à terre, politique ou émotionnelle. Très souvent, la série a animé chez moi d'intenses réflexions. La fréquence à laquelle semble se manifester cette capacité de produire de la pensée est peu commune sur une série télé. Par contre, cela ressemble à son auteur.

Formellement, l'esthétique caractéristique de Fassbinder se retrouve tout du long. Les transparences, les reflets dans les glaces, les jeux de lumières très colorés (qui rappellent un peu la manière de Russell Metty et donc le cinéma de Sirk dont Fassbinder était fanatique), une foultitude de détails dans les décors, une caméra vivante qui bouge, qui tourne et qui fait varier ses angles de vue, une image assez baveuse dans les lumières, ces clignotements incessants qui sont autant de battements de cœur ou des répétitions aliénantes selon les états d'âme des personnages, ces séquences filmées à travers de voiles, de filtres granuleux, de rideaux, de vitres qui signifient autant d'obstacles à la bonne vision du monde à laquelle Franz aspire en vain, tous ces procédés sculptent une image riche, variée et chaque épisode parvient à donner vie à un récit qui pourrait être pour beaucoup statique a priori, presque théâtral. Ce risque est évité avec grâce.

Même si j'ai la sensation que ce que j'écris manque de clarté (à l'image de ce que j'ai ressenti bien souvent), je conseille vivement cette aventure. Il s'agit bien d'une aventure que de vouloir suivre les arcanes de ce conte introspectif et de tenter de traduire en langage commun les évocations symboliques auxquelles Fassbinder s'adonne furieusement. Je la conseille aux amateurs du bonhomme : elle est baroque, ai-je dit plus haut, très colorée, audacieuse car risquée et redoutablement profonde.

Trombi:
Elisabeth Trissenaar:

Karin Baal:

Franz Buchrieser:

Peter Kollek:

Brigitte Mira:

Mechthild Großmann:

Barbara Valentin:

Roger Fritz:

Hanna Schygulla:

Axel Bauer ou Claus Holm:

Klaus Höhne:

Herbert Steinmetz:

Hark Bohm:

Volker Spengler:

Elma Karlowa:

Ivan Desny:

Annemarie Düringer:

Günther Kaufmann:

Helen Vita:

Angela Schmid:

Gerhard Zwerenz:

Lilo Pempeit:

Irm Hermann:

Peter Kuiper et Kristine De Loup?

Marie-Luise Marjan et Traute Hoess:

Udo Kier:

Fritz Schediwy:

Adrian Hoven:

Roland Schäfer? et Horst Laube:

Matthias Fuchs:

Margit Carstensen:

Raúl Gimenez:

Helmut Griem:

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