Quand le reptile se fait des pellicules, des toiles, des pages et des dessins... Blog sur l'image et la représentation en général. (cliquez sur les captures pour obtenir leur taille originale)
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vendredi 22 mai 2009
Un chant d'amour
1950
alias : A Song of Love
Cinéaste: Jean Genet
Vu en dvd
Je ne sais pas grand chose du sieur Genêt, si ce n'est quelques bouts d'informations glanés ici et là, son homosexualité, son passé d'enfant détenu, facettes au centre de ce court-moyen métrage. Je m'empresse de souligner qu'il n'est pas nécessaire d'être homosexuel pour apprécier la beauté du film, ni d'avoir cassé du caillou dans un bagne d'ailleurs.
Dans une prison, des détenus très cargo-de-nuit en marcel ou torse nu passent leur temps à attendre que le temps passe. Aussi beaucoup se branlent. Abondamment. Compulsivement. Ces scènes explicites ont longtemps valu au film une caractérisation pornographique d'ailleurs. Devant ce spectacle, le gardien s'émoustille et nourrit une amertume de plus en plus violente à l'égard surtout d'une relation privilégiée entre deux détenus. Séparés par une cloison ils communiquent à coups de poings contre le mur et l'intromission d'une paille évidée dans un trou, ils s'échangent des bouffées de cigarette, offrant là une occasion de symboliser l'acte sexuel buccal au cinéaste. Un peu gros à mon goût, cet aspect du film fait sourire.
La finesse et la force du film résident bien plus dans la représentation de cet amour non consommé, l'affreuse séparation et la douloureuse frustration amoureuse. Genêt mêle sexualité et sentiment. L'un des deux détenus, manifestement plus amoureux que l'autre pallie l'absence et l'isolement physiques en s'échappant dans un monde onirique (rêve ou souvenir? je ne sais pas au juste) où ils se retrouvent dans la campagne fuyant un quelconque péril (la prison, la guerre?).
Genêt montre bien là que le désir de l'autre est plus puissant encore quand l'amour fourbit les armes. Au contraire, le geôlier dénué de sentiments amoureux intensifie sa propre frustration. Sans doute est-il mû par la jalousie, peut-être même ne s'avoue-t-il pas vraiment son homosexualité? Et c'est ainsi qu'il met un revolver dans la bouche d'un des détenus. C'est pour cette raison qu'il le roue de coups de ceinture. Parce que malgré son désir, il ne connait pas l'incroyable pouvoir de l'amour, qui permet de surmonter frustration, violence et réalité. Il ne peut qu'apercevoir ce pouvoir là au travers de l’œilleton de la cellule.
Visuellement, c'est très bien filmé. La caméra est aussi sensuelle que l'histoire. Elle est très près de la peau qui ruisselle, des poils qui brillent, des narines qui hument, des gorges qui respirent, des yeux qui pleurent.
Ne vous alarmez pas si vous n'entendez rien... le film est plus que muet : pas une once d'accompagnement sonore ou musical. Habitué à voir du muet, le silence total est surprenant et m'a longtemps incommodé. Je n'arrive toujours pas à comprendre la nécessité artistique de ce procédé. Et je ne crois pas à une raison technique ou budgétaire. Ce serait étonnant.
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