Pages

mercredi 27 mai 2009

Bondage



1977

Titre original: Hakkinbon bijin ranbu yori: semeru!
alias : Beauty's Exotic Dance: Torture!
alias : Bondage

Cinéaste: Noboru Tanaka
Comédiens: Junko Miyashita - Hiroshi Cho - Maya Kudou - Hatsuo Yamaya
Vu en dvd

Encore un sublime travail de Tanaka, un film riche avec un personnage central, Taé (jouée par l'impressionnante Junko Miyashita), qui fait immanquablement penser à Sada Abe, personnage récurrent ou marquant en tout cas dans l'érotisme japonais contemporain (L'empire des sens, Sada), avec cette dépendance physico-psychique, élaborant un amour absolu et destructeur. Je schématise évidemment car c'est autrement plus complexe. Taé devient folle au coeur d'un ébat mais contrairement aux apparences dans lesquelles sa mère (Sumiko Minami) se fourvoie un temps, Seiuo (étrange Hatsuo Yamaya), l'artiste à qui elle se donne et leur pratique du bondage ne sont pas responsables de cette perte de raison. Au contraire, c'est au cours de séances de supplice qu'elle parvient à recouvrir un peu de raison.

Les changements qui s'opèrent entre les personnages sont un des atouts du scénario d'Akio Ido. Admirablement décrits et interprétés par un trio d'acteurs assez remarquables.
Sumiko Minami, la mère, est un peu en retrait mais son rôle prend sa juste mesure dans la dernière partie du film ; il représente d'abord la société, le regard moralisateur, le sens commun, la bonne conscience, la famille qui abhorrent ce genre de pratique douteuse. Face à la maladie de sa fille, on voit bien les petits arrangements avec la morale qu'elle aménage, moins par pragmatisme que par sentiment de culpabilité.
Et puis nous avons les deux personnages principaux. Lui, Hatsuo Yamaya, impose une masse à son personnage d'artiste peintre, photographe, masse qui transparaît même dans la forme de son visage. Quelque chose proche de la sérénité parait amenuisé par un trouble indéfini. Son regard d'abord comme inconséquent se remplit peu à peu de sentiments nouveaux. C'est subtilement joué. Je ne connaissais pas cet acteur ; je trouve son jeu très riche et juste.

Je ne connaissais pas non plus Junko Miyashita. Il serait aisé de gloser à n'en plus finir sur la finesse de ses traits. Du reste, Tanaka passe son film à la filmer amoureusement, au plus près. Mille gros plans sur son visage, certains même cadrés sur ses yeux. A se demander si le personnage de Seuio n'est pas Tanaka lui même.

Au delà de l'évolution de leur relation, le film utilise la culture du bondage pour avancer son propos. L'idée mise en exergue pour ce film est que l'objectif de cette pratique est pour l'homme de faire naître et savourer les différentes expressions du visage féminin qui passe par diverses épreuves physiques. Cela pourrait se traduire par une sorte de quête de l'infini en quelque sorte, tant les femmes sont prodigieuses de courage, de diversité et de surprises. L'artiste Seuio est totalement subjugué, obsédé par ces instants d'éternité qu'il produit sur le visage de sa ligotée.

Effectivement comme dans Marché sexuel, Tanaka passe son temps à scruter le visage de Junko, à le filmer sous tous les angles, toutes les couleurs. Il joue encore une fois avec les variations chromatiques et se focalise sur le regard et ses variations, expressions de peur, de ferveur, de folie, de plaisir, d'amour, de souffrance, etc.

Il fallait à Tanaka s'adjoindre une actrice étonnante de maîtrise, sur le plan du jeu classique d'abord mais également capable de supporter les supplices réels.

Si je ne le préfère pas à Marché sexuel qui me parait plus dense et avec lequel j'ai découvert ce cinéaste, ce Bondage est esthétiquement superbe et propose une histoire fascinante, douée de personnages plus riches qu'ils n'en ont l'air de prime abord. Là encore, un film érotique qui cache un peu son jeu plus profond.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire