Quand le reptile se fait des pellicules, des toiles, des pages et des dessins... Blog sur l'image et la représentation en général. (cliquez sur les captures pour obtenir leur taille originale)
Pages
▼
mercredi 8 janvier 2014
Luther saison 1
2010
Alias: Luther Saison 1
Saison 1, 6 épisodes
Réalisateurs: Brian Kirk - Sam Miller -
Comédiens: Idris Elba - Ruth Wilson - Warren Brown
Notice SC
Notice Imdb
Vu en dvd
Saison 1:
Ce format de saison avec si peu d'épisodes ne laissait pas présager la faillite de cette saison sur les deux derniers épisodes. Rien ne peut justifier une incohérence pareille, si ce n'est une écriture laborieuse, bâclée et la présomption rédhibitoire que le public s'accommodera de tant de raccourcis oiseux, de cette absence de précision et de soin dans l'élaboration d'un récit qui se veut surprenant et sortant de l'ordinaire. Quel vautrage!
Les quatre premiers épisodes étaient très bien foutus, belles promesses. Certes, ils se développaient sur une trame somme toute classique, avec un enquêteur un peu borderline, entouré de personnages secondaires qui essaient de s'adapter à son originalité, tant bien que mal. Sinon, chaque épisode proposait une énigme à résoudre, un assassin à attraper.
Sur les deux derniers morceaux de la galette, la série prend un tour mélodramatique, taillé à la serpe, grossier, outrancier, en accumulant les rebondissements de plus en plus énormes. Tout y est fracassé, dans une explosion de coups de théâtre que le scénario ne parvient plus à maîtriser, et donc à rendre crédibles. A quel prix? On va jusqu'à oblitérer des pans entiers de l'histoire, par exemple un meurtre, pour faire avaler les couleuvres d'un scénario alors pas loin d'être indigeste. Comme si le public était assez con pour ne pas voir l'évidence, toutes ces incohérences, dans les réflexions, dans l'évolution de l'enquête, les faits, les attitudes des personnages. Un grand ratage.
On va au bout de la saison dans l'espoir que l'histoire va aboutir à quelque chose de sensé, que le scénario va parvenir à recoller tous les morceaux éparpillés, que l'incompréhensible va s'évanouir avec un climax qui résoudra tout. Mais les ellipses grossières ne sont jamais justifiées. La violence étouffant le récit est-elle censée anesthésier l'attention et le sens critique du spectateur? Quel gâchis!
La série avait réussi très vite à créer des personnages intéressants. La relation entre Luther (Idris Elba) et Alice Morgan (Ruth Wilson) était troublante, pleine d’ambiguïté et de mystères.
Le personnage de Luther lui même condense pas mal de questions sans réponse, incertitude plaisante. Il interroge la violence, la justice, la fidélité. Sujet à des crises de colère plus ou moins aiguës, le lion en cage qu'il représente promettait une réflexion profonde sur le thème.
Et surtout on est frappé par la très grande qualité de jeu de tous les comédiens. Pas étonnant que Hollywood recrute autant sur la vieille Britannia. Les acteurs, même s'ils sont là pour un épisode, quelques scènes donnent des prestations excellentes. A chaque fois, c'est la stupeur devant la performance de l'un ou de l'autre. Même les tous petits rôles peuvent impressionner.
La qualité de la mise en image ainsi que de la mise en scène appuie ce travail des acteurs. La caméra est très proche des comédiens, attentives au moindre geste, à ces inflexions dans la voix, ces regards qui se détournent, ces yeux qui vacillent, ces émotions trop fortes si difficiles à traduire sans excès. Or, on ne déplore aucune fausse note. Tout le long de cette saison, j'ai été séduit par cette incroyable qualité de jeu de la distribution. Cela aide aussi énormément pour aller au bout de l'histoire.
D'autre part, il faut insister sur l'esthétique très froide que la réalisation a mis en place. Les tons grisâtres, très pâles atténuent l'effet coloré que peut avoir une ville aussi cosmopolite que Londres. Le Londres de Luther est une ville métallique, industrielle, partagée entre les immeubles à l'architecture moderne et les quartiers pourris, abandonnés, entre tôles et grillages, herbes folles, grandes flaques. La nuit ne donne pas plus de couleurs à la ville. Les personnages peuvent être filmés de loin, ou cadrés de façon à ce que le gris qui les entoure prenne plus de place... Le gris, le gris, rien que le gris.
Ce style triste exprime parfaitement la mélancolie qui envahit de plus en plus le personnage principal. Luther, ange noir et blanc, entre l'envie de tuer et l'impératif de l'amour, subit ce balancement qui le fait tanguer sans arrêt. Il devient inaccessible à celles et ceux qui essaient de l'apaiser. La mise en scène faite de proximité et de décors gris métal peut engendrer chez le spectateur un franc plaisir.
Alors quand le récit part en sucette, on se raccroche aux comédiens qui époustouflent, mais la déception demeure. Quel dommage!
Et puis ce superbe générique rouge et noir, visuellement addictif, musicalement envoûtant (merci Massive Attack) me donne encore envie de laisser une chance à la saison 2 pour rééquilibrer la balance.
Trombi:
Warren Brown:
Paul McGann:
Indira Varma:
Saskia Reeves:
Steven Mackintosh:
Anton Saunders:
Matthew Marsh:
Sam Spruell:
Sean Pertwee:
Catherine Hamilton:
Paul Rhys:
Andrew Tiernan:
Dermot Crowley:
Thomas Lockyer:
Ross McCall:
La Légende de Ron Burgundy - Présentateur Vedette
2005
Titre original: Anchorman: The Legend of Ron Burgundy
Alias: La Légende de Ron Burgundy - Présentateur Vedette
Cinéaste: Adam McKay
Comédiens: Will Ferrell - Christina Applegate - Steve Carell
Notice SC
Notice Imdb
Vu en VOD
J'ai découvert la nouvelle vague de la comédie américaine il y a très longtemps avec ce film, et je n'avais pas trop aimé:
(Vieille critique :
J'ai adoré Austin Powers et pourtant je n'ai pas trouvé ce film extraordinairement drôle. Le genre d'humour qui me plait bien mais peut lasser à fortes doses. Et ici ça devient vite chiant parce que redondant. Répétitions outrancières. Toujours la même chose. Un film d'une demi-heure aurait suffi. Ensuite cela fatigue et on a presque hâte que ça se termine.
Je ne suis plus non plus SNL, mais j'ai quelques bons souvenirs de Ferrell. Mais c'est Christina Applegate qui m'a permis de rester branché tout le long du film. J'aime bien son physique qui se marie bien au style comique. Je l'ai trouvée très drôle et sexy en même temps.)
Et depuis, j'ai eu le temps de respirer un peu, d'enlever le balai mal rangé dans mon popotin, bref, de prendre un peu de recul, avec d'autres productions du même genre. Cela m'a permis de déceler sur certaines de ces productions le petit truc qui en fait des comédies jouissives, impertinentes et par là même ce pouvoir destructeur fort recommandable qu'elles cachent avec plus ou moins d'évidence. J'ai revu mon niveau d'indulgence à la hausse jusqu'à en être devenu un véritable converti.
Je n'avais pas revu ce film et le soir de Noël, en famille, on a passé une très agréable soirée devant cette comédie absurde, grossière, effrontément vulgaire, régression revendiquée, à la bêtise ultra charpentée.
Même si certaines parties du film laissent transpirer encore des caractéristiques de sketchs télévisés saturdaynightliviens (par exemple la bagarre dans le parking ou le numéro de jazz à la flûte), le scénario de Will Ferrell et d'Adam McKay garde un équilibre de tons et une fluidité qui permettent aux spectateurs de suivre une histoire à peu près cohérente ou du moins compréhensible.
Pas sûr qu'il y ait avec ce film une portée, une révélation à y déceler. Par bien des aspects, il s'en dégage quelque chose de brouillon, une sorte de galop d'essai. Comme si tout le film élaborait une structure pour les œuvres à suivre de tout ce petit monde.
On parvient à faire le lien avec l'humour ZAZ qui les devance. S'y ajoutent peut-être ces longs dialogues insensés, mais reste l'absurde, le gag physique, l'air pénétré des personnages débitant leurs âneries ou au contraire la caricature, l'extrême exagération des traits et expressions, etc. Les enfants de ZAZ sont aussi espiègles qu'eux et s'amusent avec les préjugés, les "arriérismes". Ils prennent visiblement un grand plaisir à dire des insanités alors qu'ils n'ont sûrement pas le droit de le faire sur les télés américaines. Transgression infantile mais toujours jouissive. Le cinéma en exutoire vomitif. Mais quitte à vomir, autant le faire pour déclencher le rire. Y associer le public complice.
Je me rends compte de tout cela maintenant, alors que j'avais cru à un vide intersidéral, à juste une grosse farce baveuse, un pet foireux sans lendemain. Pauvre tâche que j'étais! J'en étais resté aux apparences. Pourtant bon public, capable de sourire avec gourmandise à la moindre mignardise gaguesque, j'avais boudé mon plaisir. Je me suis rattrapé depuis. Et désormais, je peux avoir un vrai plaisir de gamin facétieux à revoir toutes ces têtes sympatoches. Parce qu'ils sont pratiquement tous là, tous jeunes et frais, prêts à foutre en l'air la mise en pli de la planète comique à coups de vannes disgracieuses. Vive la grossièreté! Vive la nouvelle comédie américaine!
Mini Trombi:
David Koechner:
Steve Carell:
Luke Wilson:
Ben Stiller:
Vince Vaughn:
Fred Willard:
jeudi 2 janvier 2014
Ce genre de choses
2013
Auteur: Jean Rochefort
Editeur: Stock
- ISBN-10: 2234070139
- ISBN-13: 978-2234070134
Notice SC
Avant de se lancer dans cette lecture, il convient peut-être d'être déjà un admirateur du bonhomme, de cette extravagance verbeuse à laquelle il lui plait parfois de livrer son audience. Ou alors, de faire preuve d'une grande curiosité, en même temps que d'une belle ouverture d'esprit en matière littéraire. Pourquoi?
Parce que Jean Rochefort a indéniablement écrit ce livre lui même. Le style est comme l'homme, libre, très friand de cette liberté de mouvements, créatif, joyeux, amoureux du mot, de sa musicalité, de son claquement sonore ou/et sémantique, des rythmes qu'une phrase peut contenir, ses ruptures, ses balancements. Il y a là une poésie qui se vit, qui s'éprouve en la disant. Le texte n'est pas un bête et linéaire amoncellement de phrases, ni un récit ordinaire et classique racontant la vie de Jean Rochefort. Il picore ici et là dans ses souvenirs des moments clés, des personnes qui l'ont touché. Il nous livre des instantanés d'amour, souvent des portraits, quelques fois ironiques et attendris, parfois aussi bouleversants, évoquant des fantômes et une guerre qui l'aura marqué.
L'aspect ludique de cet exercice saute aux yeux. Les nombreuses déclarations d'amour auxquelles l'ami Rochefort nous convie sont traduites dans une langue qui n'appartient qu'à lui. On a aucune peine à entendre ses mots. Il déclame, il sourit, on le voit, on l'entend, tout le long de la lecture. Du Rochefort tout craché, émouvant, drôle, fin. Des larmes peuvent vous chahuter l’œil à certains moments. Un joli cadeau que ce petit livre d'un grand comédien qui dit merci.
C'est merveilleusement écrit. Un vrai plaisir de retrouver cette voix dans la tête, cette imagination, cet univers heureux.
mercredi 1 janvier 2014
Les garçons, Guillaume, à table !
2013
Titre original : Les garçons, Guillaume, à table !
Cinéaste: Guillaume Gallienne
Comédiens: Guillaume Gallienne - Françoise Fabian - Diane Kruger - Reda Kateb
Notice SC
Notice Imdb
Vu en salle
Commençons par les a priori. Ils sont largement positifs. Guillaume Gallienne, c'est d'abord pour moi ce personnage excentrique joué par un comédien qui tape dans l’œil dans un petit film dont je ne me rappelle plus le titre, Jet Set peut-être, je ne sais plus. Ensuite, c'est la confirmation dans ses scénettes sur Canal plus. Ce type a le geste et la diction sûrs, un acteur qui me plait, qui me parle d'instinct, qui a l'évidence ainsi que la politesse de faire ressentir à quel point il aime jouer. J'adore.
Je n'ai pas vu son one-man-show, mais j'en ai bien sûr entendu parler, je connais donc approximativement son histoire complexe vis à vis de sa mère et sa construction d'homme. Je sais parfaitement que le film va donc être une comédie sur la quête de soi. C'est tout.
Je ne sais pas quelle va en être la forme. Qui joue? Qui filme? Est-ce seulement drôle? Léger? Profond? Émouvant? Je m'imagine un peu tout ça, effectivement.
Pourtant je ne ressors pas de l'Utopia excité comme une puce, pleinement satisfait. La forme ou le rythme? Ces allers-retours entre la scène de théâtre et les souvenirs est astucieuse.
N'empêche, cette voix-off douce, très agréable, jolie raconteuse finit par être trop bavarde. Et ça, très vite. Déjà, lors du séjour espagnol, elle m'emmerde à nous dire qu'ils dansent à la féria. Ben, oui, on voit bien. Elle n'apporte par moments absolument rien d'autre que sa présence. Je n'irais pas dire que c'est du bruit pour rien, mais disons qu'elle prend de la place, beaucoup, dans la narration, sans que cela soit justifié. Froriture ennuyeuse. Mais c'est surtout le rythme qui me chicore un peu le plaisir.
Pourtant à la sortie, en se retournant, on voit une histoire bien bâtie, les événements se suivent bien, c'est logique, imparable. Les petits sketchs font sens. Indispensables.
Mais à l'intérieur, dans cette structure, peut-être manque-t-il quelque chose? Ce qui me stoppe, je n'arrive pas à le formuler, forcément, je n'en vois pas bien la substance même. Ou alors c'est ce drame identitaire qui ne me parle pas vraiment? De manière viscérale? On connait tous plus ou moins une adolescence mouvementée, où des questions peuvent se poser sur sa propre identité, sur sa sexualité, sur ce que nous lèguent nos parents dans ce cadre-là, sur notre culture, notre corps. Mais un malentendu aussi difficile à avaler que celui-là, je confesse qu'il me laisse un peu sans voix. Surtout, je ne le comprends pas. Je ne le comprends pas intellectuellement, et encore moins dans le ventre. J'ai peine à imaginer ce que ce qu'il a pu ressentir. Cette distance ne se réduit pas malheureusement entre le personnage et moi. Je crois que c'est ce qui cloche. Pas d'empathie, rien que de la sympathie.
J'ai lu, vu ou entendu, je ne sais où, qu'on reprochait au film qu'il est autocentré et bien dans son époque, celle de l'auto-fiction, etc. Outre que ce reproche me parait d'une rare imbécillité (c'est reprocher à un chien d'avoir des crocs, bien sûr qu'il est auto-centré, c'est un film sur la quête d'identité!), il est surtout dangereux, dans le sens qu'il pourrait faire croire à une espèce de vacuité, de vide.
Oui, le film est auto-centré sur Guillaume Gallienne puisqu'il s'agit d'une autobiographie mais le film est écrit avec assez de dérision, assez de courage et une finesse d'analyse pour qu'il puisse aider à élargir les esprits des moins rétifs, ceux qui ne sont pas intrinsèquement obtus à la curiosité et la recherche. Il démontre que la tolérance et l'ouverture d'esprit sont nécessaires à qui veut accéder à la vérité des êtres, pour mieux voir au travers du tissu fort épais des apparences. Ces dernières ont la fâcheuse tendance à obstruer notre vision des choses, du réel. On colle facilement des étiquettes sur des images et à leur donner un sens, c'est tellement commode de savoir et d'en être sûr, d'avoir le sentiment de contrôler l'univers qui nous entoure. La critique, l'incertitude au contraire nous font perdre ce pouvoir. Or, le monde est tout sauf d'un seul tenant, d'une seule certitude. Non, Guillaume, tu n'es pas une fille!