mardi 6 octobre 2009

Le plaisir



1952
alias : House of Pleasure
alias : Pleasure

Cinéaste: Max Ophüls
Comédiens: Daniel Gélin - Pierre Brasseur - Danielle Darrieux - Jean Gabin - Claude Dauphin - Gaby Morlay - Madeleine Renaud - Ginette Leclerc - Mila Parély - Jean Servais - Simone Simon - Henri Crémieux - Paulette Dubost - Louis Seigner - Marcel Pérès - Peter Ustinov

Notice d'Imdb
Vu en dvd



Vu en mars 2005:
Je ne connaissais pas Ophüls : je suis sur le popotin! Je connaissais par contre les trois nouvelles de Maupassant dont le cinéaste nous propose ici les adaptations.
J'avais bien entendu parler de la qualité de ce réalisateur mais évidemment que je ne pouvais en mesure l'étendue qu'en visionnant un de ses films. Celui est plus que remarquable.

On est en 1952, mais on est cinématographiquement bien en avance sur ce temps : la caméra est en perpétuelle recherche de mouvements, de cadrages les plus sophistiqués et les plus rieurs en même temps. Entendez par là que quand on aperçoit la tête de Gabin dans le champ de blé quand il présente ses excuses à Mme Rosa (Danielle Darrieux), on voit les lignes naturelles brisées, on imagine bien quelqu'un faisant table rase des épis trop longs et qui cachent la tête pas encore désenivrée du menuisier!
Et la gaieté, la joie qui respirent tout le long des saynètes semblent comme accompagnées par ces petites caresses du cinéaste, de sa mise en image chaleureuse et follement féconde!
De même ces longs travelling, qui suivent toujours et toujours les personnages, le long du chemin de fer par ex. les spectateurs ne veulent pas non plus que les dames de Mme Tellier s'en aillent, ils sont avec le menuisier qui court.

On est en 1952 mais on est surtout au beau milieu du XIXe siècle avec les personnages.

La caméra décolle du sol et monte quatre à quatre les escaliers de la maison Tellier et nous fait découvrir chacun, par l'interstice des stores vénitiens, ajustés au visage et aux gestes de tous! Pas une seule escarbille dans l’œil du spectateur! Une oeuvre magistrale.

Et l'on est déjà abasourdi par la première scène, cette envie, cette folie qui court, qui danse, qui chahute et l'on suit avec cette caméra toujours virevoltant de droite à gauche, de haut en bas, les circonvolutions de cet homme masqué qui se révèle être un vieillard qui ne veut pas se laisser vieillir.
On le suit dans les plans inclinés qui accompagnent sa montée des marches claudiquante jusqu'à sa vieille demeure.

Que dire de ces notables qui devant la maison close au sens propre s'en vont tristement dans la brume et sous des éclairages savamment doux regarder la mer et la lune... et dire : "c'est beau la nuit...
pffff... un samedi!"

Oui parce que ce film n'est pas seulement un chef d'oeuvre de maîtrise technique, il est une magnifique adaptation de Maupassant, il est Maupassant! Il l'est avec le maraud qui tente d'abuser des dames dans le wagon et s'en voit expulser manu-militari par les donzelles, prostituées... mais pas putes! Des prostituées comme il faut! Petit coucou en partant d'un vieil homme rabroué aussitôt par sa femme : ce film respire le bon air chaud de l'été, la liesse de casser le quotidien, du voyage.

La voix-off n'a pas besoin de nous rappeler que le vent souffle sur les blés, on le voit, on la sent l'odeur chaude des chaumes, on entend le vent dans les peupliers, on les écoute les oiseaux. 
De la même manière on n'a pas de mal à comprendre que ces dames ne trouvent pas le sommeil : "qu'est-ce que tu écoutes?
- Ce silence me casse les oreilles!"

On continue, on passe tout le film avec les personnages, on compatit, comme elles nous pleurons à l'Eglise devant la Grâce tombée en l'instant, nous sommes les autres gens de l'Eglise qui pleurent en les voyant en larmes, nous sommes le curé qui monte en chair et dit "Mes enfants, c'est le plus beau jour de ma vie!" Pas besoin d'être croyant pour être envoûté par cette communion!

Jusqu'à la fin nous suivons les personnages. Même la jeune fille qui se défenestre, nous la suivons, nous tombons dans la véranda, comme nous l'avons suivi dans l'escalier, avec son ombre sur les marches, son bras qui ouvre la fenêtre!

Bordel à queue! Quelle invention! Quel génie de la mise en image! Quelle adresse! Quelle maestria chez Ophüls! J'aime! J'en ai encore des frissons!

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